2011-11-01 – L’Hôtel-Dieu deviendrait-il obèse ?

C’est la question qui nous a subitement assaillis, ces derniers jours, en prenant connaissance de l’ajout d’une troisième tour à l’ensemble hospitalier. Une troisième tour qui, en fait, aura l’air d’un ajout à la tour actuelle.

On savait déjà qu’une seconde tour, un peu plus basse que la première, doit être construite sur l’emplacement de l’actuel stationnement de l’urgence. Mais cette volumétrie qu’on nous a présentée il y a plus d’un an était censée être définitive. L’apparition de cette troisième masse sur le site constitue une surprise de taille. On se demande soudainement jusqu’où va aller cette dilatation du projet.

La balance des inconvénients

L’agrandissement de l’Hôtel-Dieu n’est pas sans problèmes. Nous avons toujours accepté les inconvénients liés à cette opération parce que, somme toute, mieux valait conserver l’hôpital dans le Vieux-Québec que l’en chasser. Pourquoi ?

Pour des raisons fonctionnelles – c’est bon d’avoir un hôpital à proximité -, historiques – fondation en 1639, quand même –, patrimoniales – il y a des trésors là-dedans, à profusion –, immobilières – imaginez le problème de réaffectation des édifices en cas de départ de l’hôpital –, sociales et économiques – l’activité commerciale engendrée par l’hôpital est très importante. Les employés du CHUQ, ça trotte, ça magasine, ça mange, ça s’amuse et souvent, ça vit dans le Vieux-Québec.

Alors, en tenant compte de tout ça, malgré la nouvelle tour (la deuxième, pas la troisième) qui, on l’espère, sera habillée en harmonie avec le milieu, malgré l’envahissement tentaculaire du milieu par l’hôpital qui désormais s’étend jusqu’à St-Louis-de-Gonzague, malgré les travaux, malgré… malgré… on était d’accord.

Mais maintenant, on n’est plus certains d’être d’accord.

Perplexité

Parce que la troisième tour, c’est franchement trop gros. Tout le monde est d’accord pour dire que la première tour, c’est une erreur. Alors pourquoi l’engraisser avec la troisième ?

Parce que si les planificateurs de l’hôpital découvraient, dans deux ou trois mois, qu’ils ont besoin d’encore plus d’espace, si la direction de l’hôpital, dans quinze ans, en venait aux prises avec des exigences nouvelles en termes de superficie de plancher, jusqu’où irait-on ?

Certains, et ils sont nombreux, parlent de déménager tout le machin à d’Estimauville ou ailleurs où l’espace ne manque pas et où on pourrait construire à neuf, sans entraves et où on pourrait stationner autant de voitures qu’on veut.

Nous, on se dit qu’on n’a pas d’objection à ce qu’ils construisent un nouvel hôpital ailleurs mais à condition qu’on nous laisse un Hôtel-Dieu dans le Vieux-Québec, plus petit, dont la tour de 1956 serait démolie. Sauf que nous, on connaît pas ça, l’administration des soins de santé et on sait pas si ça a du bon sens que de faire un gros hôpital ailleurs et d’en garder un plus petit dans le Vieux-Québec.

Les planificateurs hospitaliers, eux, ils s’y connaissant en administration des soins de santé mais on a un petit doute quant à leurs compétences en urbanisme et en sociologie.

Alors ce serait peut-être bon que tout le monde s’assoie ensemble pour prendre le taureau par les cornes et qu’on arrive à une décision de façon plus efficace que ce qui prévaut à Montréal pour le CHUM.

Y aurait-il moyen que l’Hôtel-Dieu s’érige en campus dans l’espace environnant sans étouffer le monastère des Augustines, sans dominer le Parc-de-l’Artillerie, sans écraser le bâti environnant, sans chasser un paquet de résidants ?

Pourrait-on dessiner le compromis acceptable ?

Nous, on veut vraiment conserver l’Hôtel-Dieu dans le Vieux-Québec, pour tous les motifs évoqués plus haut. Mais est-ce possible ? Il doit bien avoir moyen de concilier le traitement de la maladie avec l’histoire, avec la vie normale d’un quartier unique, d’exception.

Peut-on imaginer un Vieux-Québec sans l’Hôtel-Dieu ? On a été obligés d’accepter le départ de l’Université. Fini le quartier latin. Le tissu social a été irrémédiablement altéré. On y vit encore bien, très bien, mais il a alors perdu une partie de son âme, incontestablement. Si l’Hôtel-Dieu quittait, ce serait un choc énorme.

Ce n’est pas le temps de commenter ici tous les arguments de ceux qui prônent le déménagement de l’hôpital. Plusieurs de ces arguments méritent une ample discussion et nécessitent des points de vue d’experts. Mais il en est un qu’on peut écarter du revers de la main : celui du manque de stationnement. On n’ira quand même pas baser une décision valable pour au moins cent ans sur une conjoncture transitoire de transport par l’automobile. Si jamais on devait construire à d’Estimauville, la dernière chose à faire serait d’y aménager un parking de centre d’achat.

Ministère de la Santé, ministère de la Culture, Ville de Québec, CHUQ, tous se parlent depuis longtemps. Espérons que le sort de l’Hôtel-Dieu se règlera plus efficacement et intelligemment que celui des bornes de parcomètres et des poubelles publiques.

L’obésité, le nouveau mal de la planète.

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