2013-07-11 – L’hôpital, le mur et le canard

Vous avez vu, lu et entendu toutes sortes de choses sur L’Hôtel-Dieu (L’HDQ) depuis le 26 mars et surtout à la fin de la semaine dernière, alors que le ministre de la Santé, Réjean Hébert, commentait publiquement les deux études qu’il venait de recevoir sur le sujet. Ou peut-être n'avez-vous pas vraiment suivi ça.

Alors en voici, en quelques lignes, l’essentiel :

Le 26 mars,la Première Ministre Marois annonce que le gouvernement appuie la démarche du CHU de Québec pour procéder à l’analyse d’un projet alternatif à l’agrandissement de L’HDQ.

Nous écrivions alors que le CCVQ y était favorable, en expliquant nos motifs.

Mais dès le 9 avril, nous exprimions notre perplexité quant au bien-fondé du projet, à mesure que ses tenants et aboutissant émergeaient.

Début mai, on se rend compte qu’en fait, si le projet alternatif se réalise, il n’y aura tout simplement plus d’activités hospitalières dignes de ce nom dans le Vieux-Québec. Dès lors, on ne peut vraiment plus être d’accord.

C’est à ce moment qu’on se met vraiment les mains à la pâte.

Le mur

Lors de son allocution devant la Chambre de commerce, le 26 mars, madame Marois prononce une phrase malheureuse. Elle dit «que le projet d’agrandissement de L’Hôtel-Dieu s’en va sur un mur». Ce n’était pas du tout le cas (qui donc a pu souffler cette baliverne à l’oreille de madame Marois) mais la plupart des gens ont tout naturellement tiré la conclusion que le déménagement de L’HDQ était une décision prise. Affaire conclue.

Pourtant, la décision n’est pas prise.

En attendant les études, précitées, commandées par le gouvernement, deux groupes se sont organisés pour orienter la décision vers le maintien du projet d’agrandissement dans le Vieux-Québec : les médecins de L’HDQ d’un côté, la communauté du Vieux-Québec de l’autre.

Le projet de L’HDQ n’allait pas frapper le mur mais le «mur», lui, a frappé l’imagination de la population et surtout, des media. Ceux qui souhaitent le maintien de L’HDQ dans le Vieux-Québec sont conscients du danger que le gouvernement soit empêché, par l’opinion publique et médiatique qui l’accuserait de «reculer» une fois de plus, de prendre rationnellement la décision de poursuivre le projet d’agrandissement dans le VQ.

La décision

Elle n’est pas prise, effectivement. Le 4 juillet, le ministre de la Santé, Réjean Hébert, rencontrait les média pour leur faire part de ses premières réactions suite à la réception des deux études commandée en mars par le gouvernement quant à la solution alternative.

Il a notamment dit :

«La décision n’est pas prise. Il faut tenir compte de la valeur ajoutée de chaque projet pour les services à la population, du consensus et de la capacité financière des citoyens du Québec».

Et parlant spécifiquement du projet de déménager L’HDQ sur les terrains de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus :

«Cette hypothèse plaisait à l’esprit. On a fait une analyse sérieuse afin de voir si cette solution tient la route sur le plan des finances publiques et des services à la population».

Et voilà, l’hypothèse plaisait à l’esprit. À première vue, on peut facilement acheter les arguments de ceux qui prônent le déménagement de l’HDQ :

  • Regrouper les spécialités médicales permet de mieux servir les patients.
  • Un gros hôpital permet des économies d’échelle.
  • On peut diminuer les transferts de patients entre hôpitaux.
  • Ça coûte trop cher de construire dans le Vieux-Québec.
  • C’est difficile d’accéder au VQ et d’y stationner.

Mais…

On se rend compte, à l’examen des études effectuées sur les regroupements d’hôpitaux en occident depuis 20 ans que :

  • Regrouper des spécialités médicales est parfois favorable, parfois défavorable à la qualité des soins. Dans le cas de nos deux hôpitaux, il s’agit d’oncologie et de traumatologie, un mariage de spécialités défavorable.
  • À partir de 600 lits, les économies d’échelle disparaissent et, au contraire, ça coûte plus cher. Or, le regroupement de l’HDQ et de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus créerait un hôpital de presque 800 lits.

Ainsi, la valeur ajoutée recherchée par le ministre semble bien douteuse.

  • Ça ne coûte pas plus cher de construire dans le Vieux-Québec qu’ailleurs. Ça requiert plus de créativité au moment de la conception mais il s’agit là de temps d’architecte, pas de temps de construction, une dépense bien minime au regard du projet total.
  • L’accès à L’HDQ n’est difficile que durant certains grands événements. C’est une difficulté qui se gère relativement facilement en organisant la circulation en conséquence au moment de ces événements.
  • Le stationnement à L’HDQ est en quantité adéquate mais effectivement, il est actuellement mal balisé et les visiteurs non informés peuvent avoir de la difficulté. Là encore, la solution est facile : une signalisation adéquate.

En somme, beaucoup d’idées reçues et les préjugés habituels sur le VQ.

La valeur ajoutée du déménagement

Dans sa lettre de mars, destiné au Conseil d’administration du CHU de Québec, le ministre Hébert énonçait, parlant de l’analyse de potentiel d’une nouvelle solution immobilière sur le site de L’Enfant-Jésus :

Cette analyse préliminaire devra clairement démontrer la valeur ajoutée d’une nouvelle solution immobilière en termes d’accès aux services à la population.

Or l’analyse préliminaire, présentée au ministre fin juin, a conclu que la valeur ajoutée ne pouvait être clairement démontrée.

La capacité de financement du gouvernement

Le ministre, dans la même lettre posait également la condition suivante :

[…] tout en respectant la capacité de financement du gouvernement.

Or, l’Étude que lui a remise le CHU à la fin de juin démontre qu’il en coûte plus cher, beaucoup plus, de déménager L’HDQ à l’Enfant-Jésus que de l’agrandir dans Le VQ.

Le ministre a décidé, pour en avoir le cœur net, de confier à la Société immobilière du Québec (SIQ), le mandat de creuser l’analyse financière un cran plus loin, pour pouvoir «comparer des pommes avec des pommes». Rapport à la fin d’août.

Mais il saute aux yeux de tous les spécialistes que le déménagement va coûter un bon milliard de plus que l’agrandissement, quoi qu’en disent certains boutefeux, comme le député Éric Caire.

Le large consensus

Et enfin, le ministre concluait sa lettre au CHU en spécifiant :

[…] il est essentiel pour moi qu’une nouvelle solution immobilière fasse l’objet d’un large consensus au sein de vos partenaires internes et externes en vue d’optimiser les services à la population.

Or, l’Étude du CHU fait état du fait que le large consensus quant à l’opportunité d’une nouvelle solution immobilière n’a pu être atteint.

Et la meilleure preuve de ce fait est l’existence du Forum des médecins, dentistes, pharmaciens et chercheurs (FMDP) de L’HDQ, regroupant 89% de ces professionnels, créé pour s’opposer à cette nouvelle solution immobilière.

La décision (bis)

Le ministre a annoncé sa décision pour le début septembre. On ne peut évidemment présumer de sa nature mais on peut facilement constater que les conditions posées pour passer de l’agrandissement de L’HDQ à son déménagement à L’Enfant-Jésus ne sont pas au rendez-vous.

On peut aussi constater avec soulagement, le 4 juillet dernier, que dans sa prise de décision le ministre ne sera pas emprisonné par le «mur».

Une coalition

Entre temps, la communauté du Vieux-Québec se mobilisait pour exprimer son opposition au projet de déménagement qui porterait un dur coup, à ses yeux, au patrimoine historique du VQ et à sa vie économique.

Une coalition regroupant le CCVQ, le Conseil de quartier, l’Association des gens d’affaires du Vieux-Québec et l'Association des gens d'affaires Place-Royale/Vieux-Port a exposé les enjeux au cœur du débat lors d’une conférence de presse, le 14 juin.

On comprend que ce ne sont pas les préoccupations de la communauté du Vieux-Québec qui vont, à elles seules, amener le gouvernement à conserver L’HDQ dans le quartier mais ce point de vue, clairement et unanimement exprimé, va certainement compter dans la balance.

Le patrimoine

Le Comité d’évaluation patrimoniale du projet d’agrandissement de L’HDQ a été mis sur pied en janvier 2013 par le CHU qui en a confié la direction à Parcs Canada. Son mandat : juger des impacts des éventuelles constructions sur les valeurs patrimoniales qui découlent des nombreuses désignations touchant les sites touchés par le projet. On pense notamment à la désignation du Vieux-Québec comme site du patrimoine mondial de l’Unesco. Le comité a terminé ses travaux mais son rapport n’est pas encore public.

On ne connaît pas les conclusions du Comité mais on sait qu’il y a unanimité pour considérer le départ éventuel de L’Hôtel-Dieu comme une «catastrophe patrimoniale».

Quant au jugement du Comité sur l’impact de l’agrandissement sur le patrimoine, on ne sait… On verra, comme disait l’autre.

Et le canard, lui

Vous connaissez tous l’image du canard qui glisse doucement sur la surface de l’eau. Mais sous la surface, discrètement, ses palmes s’activent, parfois furieusement, pour le propulser.

Sur la surface du lac que constitue le projet de L’Hôtel-Dieu, le CCVQ est le canard qui s’active, discrètement, très discrètement mais efficacement, pour propulser les décideurs dans le sens de l’agrandissement dans le VQ.

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