La responsable du patrimoine de la Ville, Francine Bégin, par sa récente déclaration sur l’«appendice désuet au Vieux-Québec» que constitue la Côte d’Abraham, illustre parfaitement les dérives de raisonnement que le CCVQ désire voir contrer par la Loi sur les biens culturels, bientôt en révision.
Il est quand même assez étonnant qu’une personne responsable du patrimoine soit prête à retrancher d’un ensemble patrimonial un de ses éléments sous prétexte qu’une route le «coupe», dit-elle, du reste de cet ensemble. Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage, dit l’adage. Quand on veut se débarrasser d’un édifice qui nuit à son projet, on l’abandonne, on ne l’entretient pas, on lui nuit autant que faire se peut et au moment choisi, on déniche un expert qui déclare que c’est bien triste mais qu’au point où on est rendu, mieux vaut démolir cette bâtisse aujourd’hui cancéreuse et dangereuse plutôt que de la guérir.
Madame Bégin utilise le même procédé démodé. La côte d’Abraham est maintenant séparée du Vieux, alors éliminons son appartenance au Vieux-Québec. Mais l’avenue Honoré-Mercier a beau être là, la côte d’Abraham y est encore tout autant, avec tout son bagage historique. Alors conservons la dans l’ensemble.
Et d’ailleurs, madame Bégin devra faire des démarches assez complexes pour amputer l’arrondissement historique de quelque portion que ce soit, car le périmètre de l’arrondissement est défini par une décision de l’UNESCO et elle ne peut le modifier sans s’adresser à cet organisme qui sera probablement assez critique des mauvais traitement qu’on a fait subir au Vieux depuis son inscription sur la liste du Patrimoine mondial et donc assez peu disposé à le modifier parce qu’une autoroute le traverse, mine de rien. Pour y inscrire la Grande-Allée, même combat, soit dit en passant.
Et d’ailleurs, pour suivre son raisonnement, si la côte d’Abraham est à exclure du Vieux-Québec parce qu’Honoré-Mercier l’en sépare, comment y inclure la Grande-Allée maintenant que le «calorifère» s’interpose ?
Dans son mémoire présenté à la ministre St-Pierre lundi dernier dans le cadre de la consultation publique sur le livre vert intitulé Un regard neuf sur le patrimoine culturel, le CCVQ exprime des réserves quant aux pouvoirs et moyens dont peut disposer le Ministre pour assurer une gestion cohérente du patrimoine, compte tenu des nombreuses lois et des multiples intervenants impliqués. Parlant d’intervenants, n’en nommons que deux, soit le ministère de la Culture et la Ville.
Grosso modo, le Livre vert énonce le principe suivant : le gouvernement édicte les règles, les villes les appliquent. Désormais, ce sont les villes qui géreront le patrimoine, sous l’œil attentif du gouvernement. Une des inquiétudes du CCVQ, c’est de voir surgir à tout bout de champ des jugements incongrus comme celui énoncé par madame Bégin. Bon, cette fois, c’est un peu gros et ça ne risque pas de passer inaperçu, d’autant plus qu’il faut impliquer l’UNESCO mais ce ne sera pas toujours aussi évident.
C’est pourquoi le CCVQ recommande de doter le futur Conseil du patrimoine, appelé à remplacer l’actuelle Commission des biens culturels, d’une division d’appel. Les citoyens, que le Livre vert identifie à juste titre comme les premiers intervenants, les premiers gardiens du patrimoine, pourraient faire appel au Conseil du patrimoine en cas de dérive gestionnaire de la ville.
Quant aux dénégations de madame Bégin sur le lien entre la démolition de la façade Saint-Vincent-de-Paul et sa proposition, on n’a pour engraisser nos doutes qu’à contempler la parade de sportifs qui jurent, la main sur le cœur, qu’ils n’ont jamais, mais jamais touché à Ça.