Y en a-t-il trop ? Qu’est-ce que trop d’élus ? Trop de quoi ? Trop d’argent ? Lorsqu’on consulte le Rapport Mercure on constate, à la rubrique 4.2 Gains recherchés, page 11, que le seul gain convoité, c’est une économie d’environ 100 000 $ par année par conseiller éliminé.
Strictement une question d’argent, donc. Chercher à économiser est une préoccupation cardinale pour toute administration. Parfait.
Mais y a-t-il d’autres considérations qui doivent guider cette importante décision ? Évoquons-en quelques unes.
Depuis 2001, la ville de Québec est en réorganisation. La fusion a entraîné des bouleversements considérables, à tous les niveaux et à tous les plans, y compris syndical. Les cinq mille employés ont vécu planification, restructuration, instabilité, incertitude, souvent frustration, parfois satisfaction. Ils voient maintenant la fin de ce long tunnel. Est-il indiqué, à ce moment, d’essayer d’en traverser un autre ? Retrancher treize districts sur 37 et deux arrondissement sur huit va brasser la cage, très certainement. Tunnel plus court, soit, mais tunnel quand même.
Dans ce genre d’opérations, les économies sont souvent absentes, malgré qu’on les ait souhaitées et planifiées. Lors des fusions, plusieurs ont avancé l’argument des économies pour justifier une opération dont les principes de base étaient plutôt l’équité fiscale et la solidarité métropolitaine. Or les économies ne se sont jamais matérialisées. L’équité fiscale et la solidarité, par contre, sont tangibles.
Alors, le petit million ou deux d’économies désirées en faisant sauter treize conseillers sera-t-il palpable ? Que dire des coûts engendrés par la réorganisation des districts et des arrondissements ? Les changements d’organigramme, d’affectations, de documentation, les négociations syndicales, les déménagements de personnel, les changements au site Internet de la Ville, le service à la clientèle pour réorienter les citoyens à nouveau désorientés dans les méandres de l’administration, les changements aux systèmes téléphoniques, alouette… Combien cela va-t-il coûter ?
Les votes n’ont pas le même poids dit-on. Deux fois plus pesant, le vote de Jean du district Champlain que celui de Jean du district des Sentiers. 6 900 électeurs dans Champlain, 13 100 dans les Sentiers. C’est l’écart le plus important. La majorité des écarts est bien moindre mais la «parité électorale» est déficiente.
Or, la parité électorale n’est qu’une des composantes de la «représentation effective» qui est la véritable mesure de la valeur démocratique du lien entre un électeur et son élu. En plus de la parité électorale, la représentation effective doit tenir compte de tout ce qui permet de mieux gouverner la population, notamment des facteurs géographiques, démographiques, sociologiques et économiques. Voir à cet égard le document pertinent publié par Élections Canada.
Quand on parle d’une société juste, égalitaire, solidaire, tous sont d’accord que les uns paient plus d’impôts que d’autres, que les uns reçoivent de l’État plus de services et/ou de paiements directs que d’autres. Tous comprennent qu’il est normal de se retrouver plus rapidement à l’hôpital, en cas de crise majeure, lorsqu’on vit à Québec que lorsqu’on vit à Blansablon. Et pourtant on ne considère pas ces écarts comme injustes, bien qu’on cherche à les minimiser raisonnablement.
Pourquoi alors le critère de parité électorale serait-il le facteur déterminant dans la démarche actuelle quant au nombre de nos élus ? Se pourrait-il que les facteurs géographiques, historiques et surtout socio-économiques aient plus d’importance que celle que lui accorde le Comité Mercure ?
Se pourrait-il qu’ici, à Québec, la population de certains quartiers moins nantis, où les organisations communautaires sont nécessairement très actives, aient plus souvent besoin de leur conseiller municipal que celle d’autres quartiers mieux nantis ? Que de la même manière que l’on augmente les ressources en développement économique là où c’est indiqué, on consacre des ressources «élues» là où on en a besoin ? Est-ce là du «maternage» ?
D’ailleurs, est-ce que les citoyens des districts plus populeux sentent un déficit démocratique parce qu’ils sont 12 000 à voter pour leur conseiller au regard de leurs concitoyens d’un district de 9 000 ? Cette préoccupation leur est-elle étrangère et si oui, est-ce là le résultat de l’inconscience ou de la sagesse populaire ?
Le débat à l’Hôtel-de-ville semble plutôt houleux. Mieux vaudrait prendre le temps de réfléchir. C’est ce que le Comité des citoyens du Vieux-Québec veut faire, réfléchir. Aujourd’hui, nous nous posons des questions. En temps et lieu, nous nous prononcerons.
D’ores et déjà, nous savons que nous disposons de quelques mois devant nous. Il faut passer par le gouvernement du Québec pour changer le nombre de conseillers municipaux. Le Conseil de ville peut dire ce qu’il veut, c’est Nathalie Normandeau et le Conseil des ministres qui vont décider. Madame Normandeau souhaite «un large consensus de la population et des élus avant de se prononcer», dit-elle. Or, elle a fort à faire actuellement, elle qui risque de perdre son comté de Bonaventure dans la refonte de la carte électorale du Québec. Là aussi, on parle de parité électorale. Gageons qu’on va jaser représentation effective très rapidement et très vigoureusement.
Le Comité n’a fait qu’effleurer certaines questions fondamentales qui méritent un meilleur examen. Passer de 37 à 24 peut être la chose à faire. Réfléchissons calmement. Sur quelles valeurs allons-nous nous appuyer pour décider. Sur les seules valeurs comptables ? Élargissons le débat.
N’envoyons pas les treize damnés en enfer trop vite. Ils pourraient fort bien être élus en 2009.