Il n’a pas que le déneigement des rues qui fait fondre les budgets. Il y a aussi le déneigement des toits. Et si le règlement R.V.Q. 1302 adopté par la Ville entre en vigueur l’hiver prochain comme prévu, la fonte des portefeuilles va s’accélérer. Expliquons.
Quand le déneigeur débarrasse votre toit, il lance la neige dans la rue sous l’œil attentif d’un guetteur. Puis une fois l’avalanche terminée, tout ce qui est tombé est façonné en un joli banc de neige, au bord du trottoir. À la prochaine opération déneigement, la nuit, la Ville ramasse le dit banc de neige avec tous les autres et hop! le tour est joué.
Jusque là, tout va bien. Sauf que l’an prochain, si votre déneigeur de toit ne le vide que le lendemain de l’opération de déneigement de la Ville, il n’aura plus le droit de laisser la neige dans la rue. Il va devoir l’éliminer au plus tard le lendemain matin. Ça veut dire au moins un camion et quasi certainement une «pépine» ou une chargeuse, communément appelé payloader comme on dit à Paris. Un camion et une chargeuse, ça coûte des sous, ça complique les opérations et la logistique.
Ce qui fait qu’un déneigement de toit va facilement doubler de prix. Et c’est sans compter les chicanes.
Car tout le monde va s’obstiner avec son déneigeur pour qu’il vienne déneiger vite, vite, vite, pendant que la neige tombe et que l’opération déneigement de la Ville est imminente. Ou qu’il attende la veille de la prochaine neige, vu que la Ville vient tout juste de procéder à une opération déneigement. Et ce maudit bazou dont vous n’avez pas la moindre idée du propriétaire, stationné depuis deux jours avec sa vignette devant votre maison, qui empêche votre déneigeur, venu juste au bon moment, de déneiger votre toit. En voulez-vous des frustrations et des obstination, en v’là ! Pour mettre de la moutarde sur la plaie, sachez que les amendes imposées aux contrevenants – les contrevenants, ce sont les propriétaires, pas les déneigeurs – les amendes, oui, vont de 150$ pour une première offense jusqu’à 1000$ en cas de récidive. Beaux dialogues en perspective entre déneigeurs et propriétaires.
Que vont faire les déneigeurs ? Ils ne pourront pas se chicaner sans arrêt avec leurs clients sur la cédule de travail, le paiement des amendes et la distribution de privilèges. Alors ils vont charger à tout le monde le prix du ramassage de la neige, que celui-ci soit effectué par la Ville ou par leur propre équipe. Simple question d’équité.
Pourquoi la Ville a-t-elle décidé de changer la donne ? Les déneigeurs de toits ne sont pas tous aussi professionnels les uns que les autres, semble-t-il. Certains ne chargent pas cher mais leur travail ne vaut pas cher non plus. Le but premier de la Ville, avec cette nouvelle réglementation, est d’assurer la fluidité et la sécurité de la circulation, tant automobile que piétonne. Or, les déneigeurs de piètre qualité laissent souvent la rue et le trottoir dans de bien misérables conditions, nous dit-on. C’est ce que la Ville veut enrayer par son règlement.
Quelques déneigeurs ont alerté de CCVQ de cette situation, après avoir reçu un avis de la Ville au cours de février. Déneigeurs de qualité, ils sont évidemment inconfortables avec la considérable augmentation des coûts que cette nouvelle mesure imposerait à leurs clients et craignent les conséquences des inévitables situations conflictuelles et les problèmes de gestion en découlant.
Le CCVQ a rencontré la direction de l’arrondissement, début mars, pour exposer la situation et a trouvé une oreille attentive. La suite des discussions est prévue au cours des prochains jours. Nous connaîtrons alors l’ensemble de la problématique et pourrons nous prononcer en toute connaissance de cause. Mais il nous semble, à première vue, que la solution réside dans un encadrement plus serré des pratiques des déneigeurs peu soigneux que dans l’imposition aux propriétaires d’obligations coûteuses et beaucoup plus compliquées à gérer qu’il n’y parait, vu de loin.
La fonte arrive mais le CCVQ va garder vos dollars et vos relations de voisinage au frais. À suivre.