La proposition de Raymond Dion, responsable de l’habitation au Comité exécutif de la Ville, de taxer davantage les étrangers propriétaires de résidences dans le Vieux-Québec, est fondée sur une inquiétude légitime. On craint l’effritement de la fonction résidentielle. Mais ce n’est pas le premier geste à poser.
Une précision d’abord. Ce n’est pas qu’un propriétaire soit étranger qui pose problème. C’est qu’il ne soit pas résidant. Qu’il vienne de Montréal, de Toronto, de New York, Paris ou Tombouctou, peu importe. Le problème c’est lorsque ce proprio ne passe que trois semaines par année dans sa demeure du Vieux-Québec. Durant les 48 autres semaines, elle est soit vide, soit louée illégalement à des touristes. C’est ça qui fait mal.
Alors comment freiner le problème d’acquisition de résidences par des non-résidants ? En les taxant plus que les résidants ? Peut-être. En tous cas ça mérite d’y réfléchir quelques instants. Le maire Labeaume a prestement enterré l’idée en déclarant notamment :
Ce qui est important de retenir, c’est qu’il n’y aura pas de taxation pour les étrangers qui viennent investir dans l’immobilier à Québec. C’est hors de question.
Hmmm ! Les étrangers qui viennent investir dans l’immobilier à Québec, dit-il. C’est justement ça le problème. Qu’une personne considère sa résidence comme un investissement en plus d’être un agréable milieu de vie, c’est normal et sain pour l’économie. Qu’une personne achète une maison surtout pour investir et accessoirement pour se divertir trois semaines par année, c’est principalement de la spéculation. C’est peut-être excitant pour l’économie mais certainement pas bon pour l’habitation. On ne peut pas empêcher la spéculation mais on peut probablement la freiner et certainement éviter de la favoriser. Comment ?
Le meilleur moyen de sauvegarder et de développer l’habitation dans le Vieux-Québec, c’est de changer la perception de la majeure partie de la population de Québec selon laquelle «résider dans le Vieux, c’est l’enfer !». C’est faux. Vivre dans le Vieux-Québec, c’est pas l’enfer, c’est différent. Et pour plusieurs, c’est le paradis.
Mais depuis plus de trente ans, de nombreuses voix se font entendre dans le Vieux-Québec pour dénoncer certaines situations désagréables dont plusieurs sont réglées depuis longtemps d’ailleurs. À force de dénoncer sur la place publique, on a fini par convaincre la population de Québec que d’élever une famille dans le Vieux est impossible, qu’y stationner relève de l’acrobatie et d’y dormir du masochisme.
Or les résidants du Vieux-Québec sont aussi heureux que tous les autres habitants de la ville de Québec, peut-être plus, sait-on. Mais ils le sont différemment et cette différence, précisément, est très séduisante.
Dans ses plans pour 2008-2009, le CCVQ a inscrit une campagne d’information auprès de la population. Une campagne qui permettrait à tous de dissiper leurs préjugés négatifs, de palper un peu la saveur de la vie dans le Vieux-Québec et ainsi, de se transformer en acheteurs potentiels de résidences. On n’empêchera pas les gens de Tombouctou d’acheter mais si les québécois achètent les résidences du Vieux-Québec pour y vivre, les agents d’immeubles auront moins besoin de recruter parmi les «étrangers».
Voilà ce qu’il faut faire, informer les gens d’ici, pour qu’ils réalisent la valeur de ce qu’ils laissent de côté. La campagne d’information, on y travaille. Et on va proposer à la Ville de s’y associer. Qu’en dites-vous, monsieur le Maire ?