Les premiers résultats du recensement 2011 ont récemment été publiés. Très mauvaise nouvelle pour le Vieux-Québec.
De 2006 (année du précédent recensement) à 2011, la population du Vieux-Québec a diminué de 492 personnes, soit 9,3%. Durant la même période, elle diminuait de 2,6% dans St-Jean-Baptiste, de 2,2% dans Limoilou et de 1,5% dans St-Roch alors qu’elle augmentait de 1,5% dans Montcalm et de 1,7% dans St-Sauveur.
Pour le Vieux-Québec, c’est l’effacement de tous les progrès accomplis depuis 1981. On se souviendra de l’effervescence créée par Québec ’84. La population du Vieux-Québec qui, durant les années ’60 et ’70, diminuait constamment en raison du départ de l’Université Laval, s’était mise à croître. Elle a crû jusqu’à 2001. En 2006, on constate une première baisse. En 2011, chute brutale. La population est tombée à 4786 personnes, sous le niveau de 1981; baisse totale de 13,5% depuis 1981. Les résultats détaillés, ici.
La Ville de Québec a adopté, en 2008, son Plan directeur du quartier Vieux-Québec et Cap-Blanc. Elle a consacré, sérieusement, soigneusement, plusieurs années et beaucoup de ressources financières à le préparer. L’orientation #1 de ce plan : «Protéger et développer la fonction résidentielle du quartier». L’objectif #1 : «Favoriser l’augmentation des résidants permanents».
Cette priorité à l’habitation n’est pas donnée à la légère. Tous ceux qui ont observé, étudié, analysé le Vieux-Québec sont arrivés à la même conclusion : la meilleure façon de profiter de ce joyau du patrimoine mondial, phare de notre industrie touristique, berceau et cœur de la civilisation européenne en Amérique du Nord, c’est de le conserver quartier urbain véritable, vivant et habité. Éviter qu’il devienne un musée, un décor, un Disneyland.
C’est vrai pour des raisons économiques, sociologiques, historiques, patrimoniales et urbanistiques.
Ce constat et cette volonté exprimés par la Ville dans son Plan directeur ont été réaffirmés avec force lors des États généraux du Vieux-Québec, organisés par le Comité des citoyens du Vieux-Québec (CCVQ) de l’automne 2008 à l’automne 2010. La Ville de Québec a contribué significativement au financement de cette démarche scientifique qui a conjugué les efforts et les compétences de divers services de la Ville à ceux d’experts internationaux, de l’Université Laval et du CCVQ.
Et on a mis dans le coup toutes les forces vives du Vieux-Québec. Les trois associations marchandes, les institutions majeures, la société civile. La Chambre de commerce, le Port de Québec, le CLD, Parcs Canada, les ministères du Tourisme et de la Culture, la Commission de la Capitale Nationale, etc. Tout le monde a participé. Tout le monde a constaté l’évidence scientifique. Tout le monde était d’accord.
… conserver et mettre en valeur le patrimoine du Vieux-Québec et ce, dans un esprit contemporain. Il ne s’agit pas de momifier le quartier. D’accord pour réussir ça en fondant toutes les décisions relatives au Vieux-Québec sur les besoins, la qualité de vie et la mobilité des résidants et des usagers quotidiens du quartier d’abord, mais également des visiteurs et des touristes. D’accord pour, carrément, prioriser l’habitation, son accessibilité, sa qualité, sa diversité et sa permanence. Voyez l’ensemble des principes adoptés par les États généraux, ici.
Tout le monde veut prioriser l’habitation. Or, en cinq ans on a perdu un résidant sur dix. Et ce n’est pas parce que les familles sont plus petites (elles le sont partout), c’est carrément parce que les gens s’en vont. Dans le secteur intramuros, pour ne parler que de celui-là, seulement 71,4% des logements sont occupés par des résidants habituels, permanents. Ce taux est au-dessus de 90% dans les autres quartiers de la ville.
Pourquoi les gens quittent-ils ? Plusieurs facteurs, très certainement, contribuent à ce dépeuplement que tous veulent éviter.
Et ces facteurs n’ont pas d’influence que sur les seuls résidants. On assiste aussi à un fort taux de fermeture de magasins et boutiques dans le quartier. Ils sont remplacés par d’autres, le plus souvent, mais le taux de roulement est élevé, les échecs nombreux. Et souvent, le remplaçant est un gros joueur, une chaîne. Le petit commerçant, à l’offre originale, qui fait l’originalité, la richesse du quartier est alors remplacé par une boutique comme on en voit partout ailleurs. L’âme du quartier en prend pour son rhume.
Ce dépeuplement est un phénomène facilement mesurable, plus difficilement paramétrable. Entre spéculation, évolution sociale, urbanité, tourisme, activités festives, profil démographique, fiscalité, mobilité, hôtellerie illégale, résidence secondaire et autres vecteurs, comment discerner le poids de chacun sur la vie des résidants, des commerçants et des usagers quotidiens du Vieux-Québec ?
Il faut comprendre la dynamique de cette émigration, urgemment. La Ville devrait mettre à l’œuvre une équipe de professionnels qui s’adjoindra l’expertise externe adéquate, y compris celle du CCVQ, bâtie patiemment et studieusement au cours des années.
Un an devrait suffire pour comprendre. Puis, et ce ne sera pas simple, il faudra agir. Vite. Sinon il arrivera au Vieux-Québec ce que plusieurs craignent qu’il arrive au climat terrestre : franchir le point de non-retour. Si la population du VQ baisse au-delà d’un certain seuil, que l’analyse pourra préciser, il sera impossible de renverser la tendance.
Le Vieux-Québec sera déserté par ses résidants. Comme aujourd’hui le Vieux-Venise. Et ça, personne ne le veut.
Dans l’analyse des causes de cette désertion et des remèdes à y apporter, il est essentiel qu’une vaste concertation s’organise. Ville, Université, commerçants, employeurs, institutions, citoyens. Personne, seul, ne peut embrasser l’ensemble de la situation.
Et surtout, il faut que tous acceptent de balayer toute idée préconçue. Les études scientifiques que le CCVQ a menées durant les États généraux lui ont démontré que certaines idées qu’il véhiculait de bonne foi depuis des années étaient inexactes. La même surprise attend tous ceux qui aborderont cette question avec un esprit libre et ouvert.
Alors, tous ensemble, réglons le problème.