Comité des citoyens du Vieux-Québec (CCVQ)

Organisme sans but lucratif dédié au maintien et à l'amélioration de la qualité de vie de ses citoyens et de son patrimoine

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CULTURE, PATRIMOINE ET CITOYENNETE

 

Mémoire

présenté à la Ville de Québec

dans le cadre de sa consultation sur

une nouvelle politique culturelle

 

 

 

  par le Comité des citoyens du Vieux-Québec

Françoise Sorieul, présidente

Christine Gosselin, présidente sortante

et Jacques Lamarche, membre

  

               Décembre 2002

 


Table des matières

 Introduction               

 

Un double objet

Les origines du mémoire

 

1. La culture

 

Un haut lieu de culture

1.1. Les fondements de la politique culturelle

1.2. Orientations et objectifs spécifiques

1.3. La mise en œuvre

 

2. Le patrimoine

 

2.1. Le Vieux-Québec, ensemble patrimonial urbain

            2.1.1 Ensemble patrimonial

            2.1.2 Site habité 

2.2. Le Vieux-Québec, haut-lieu touristique

2.3. Le Vieux-Québec, site reconnu

            2.3.1 Le site du patrimoine mondial

            2.3.2 L’arrondissement historique

            2.3.3 Le partage des responsabilités

            2.3.4 L’aide à la restauration

2.4. D’autres patrimoines à préserver

             

 

3.   La citoyenneté

 

3. 1. Placer la citoyenneté au cœur du développement culturel  

3. 2. Sensibiliser et conscientiser

3. 3. Partager des savoirs et faire société

 

 

Conclusion et recommandations

 


 

Créé en 1975, le Comité des citoyens du Vieux-Québec (CCVQ) s'est réactivé au moment de la reconnaissance de Québec par l'UNESCO à titre de ville du Patrimoine mondial. Le double sentiment de fierté et de responsabilité à l'égard du lieu qu'ils habitent a raffermi chez les ci­toyens la volonté de se grouper pour prendre part aux débats et aux projets relatifs à la sauve­garde et à la mise en valeur du Vieux-Québec, en veillant en particulier à la fonction résiden­tielle dans sa composition avec les autres fonctions qui font exister et se développer le centre historique de la ville. Résidants, électeurs et contribuables, propriétaires, locataires, commer­çants du lieu, les membres du Comité entretiennent l'ambition  d'agir comme partenaires actifs des destinées du Vieux-Québec, en formulant et en faisant entendre le point de vue des citoyens.

 

 

Introduction

 

Le Comité des citoyens du Vieux-Québec soumet ses observations sur l’Avant-projet de politique culturelle , du point de vue de l’action qu’il poursuit. Organisme de sauvegarde du patrimoine urbain du Vieux-Québec, il veille à la fonction résidentielle comme gage primordial de cette sauvegarde dans la mesure de son intégration aux autres fonctions qui assurent au milieu sa vitalité, son authenticité, son développement avisé et durable au sein de la ville.

                                        

Un double objet

 

« Artisans de leur vie et de leur ville »,  les membres du CCVQ sont à la fois les bénéficiaires du patrimoine culturel et ses partenaires, en qualité de «  concierges »du site, comme le dit avec humour le conseiller du quartier . «  La ville est d’abord le lieu de ceux qui y vivent ». Adhérant  à cette affirmation du maire de Québec, le Comité  souhaite donc qu’un volet  important dans le projet de politique  regroupe les demandes émanant de l’ensemble des citoyens de la Nouvelle ville.

 

Origines du mémoire

 

L’argumentation est enracinée dans le travail quotidien  du CCVQ depuis 1975 et plus encore depuis l’inscription du Vieux-Québec au patrimoine mondial. Elle reprend les recommandations du mémoire  Le Patrimoine urbain,[1] déposé lors de la préparation du rapport Arpin[2].  De ce document exemplaire, il n’est pas inutile de rappeler, comme le fait Bernard Schiele[3], les quatre idées principales :

 

-         Le patrimoine est potentiellement dans tout;

-         Le patrimoine est ce qui a été stabilisé dans la mouvance;

-         Le patrimoine est une affirmation identitaire;

-         Le patrimoine est un combat.

 

Ces lignes de force sont corroborées par les résultats de l’Enquête  Vivre dans le Vieux-Québec [4] révélés plus tôt dans l’année. La revue MURS MURS [5]en avril 2002 fait la synthèse du document .

 

Le Comité des citoyens du Vieux-Québec félicite la ville d’avoir choisi la  culture   comme première politique de la nouvelle ville. Il  se réjouit  également de participer à une consultation publique dont l’objet  est  de partager avec la population et ses partenaires une vision d’avenir qui saura répondre aux défis de la Ville nouvelle en e domaine.

 

Deux documents éclairent la consultation : Le Portrait de l’activité culturelle et l’Avant Projet de politique culturelle. Les objectifs de la  politique de la culture et des arts sont de  faciliter l’accès à la culture, de sensibiliser et conscientiser, de maximiser le potentiel de développement ainsi que de consolider les acquis et d’élargir les horizons. Les  principes la sous-tendant  définissent  la culture, source d’épanouissement et bien collectif  mais aussi  facteur de cohésion sociale et levier de développement.

 

Deux conceptions de la culture, larges et assez englobantes pour s’appliquer aux  points du mémoire, nourrissent également la réflexion du CCVQ :

Celle de  Roland Arpin[6]:«  L’option culture, c’est un regard nouveau sur un monde qu’il faut domestiquer. [Elle] fait appel à de nouvelles valeurs; elle est une manière de penser et d’agir, elle relègue la démarche économique en deuxième ligne et elle la met à son service »

 

Celle que Diane Vincent  proposa au groupe d’étudiants impliqués dans l’expérience relatée dans l’article « Le patrimoine rend intelligent » [7] :« Toute définition du patrimoine représentative de la conception citoyenne du terme doit englober le matériel et l’immatériel, montrer un rapport au temps et intégrer une idée d’identité collective ».

 

Dans chacune des parties de son argumentation, Culture, patrimoine et citoyenneté, le CCVQ  suivra le plan de l’Avant-Projet de politique et  avec enthousiasme fournira exemples et points d’application. Il  formulera quelques propositions constructives ou des recommandations concrètes touchant le Vieux-Québec.

 

1.      La culture

 

Un haut lieu de culture

 

Le  « survol culturel de la capitale » présente l’arrondissement comme «  un lieu très riche au plan patrimonial et significatif au plan historique ». Cette culture vivante et  patrimoniale est reconnue de tous et d’abord de ses habitants, travailleurs ou résidents.

 

Ces derniers veulent mettre en évidence, en exemple et au profit des autres arrondissements de la ville, ce qui s’est fait dans le seul quartier du Vieux-Québec, du point de vue culturel, depuis une trentaine d’années. Ils se sentent particulièrement privilégiés par cette abondance culturelle  et en même temps ils  sont  fiers d’en avoir  la  garde. «  L’inventaire de ressources culturelles auxquelles ils ont accès va de la chorale de quartier à l'orchestre symphonique et aux bâtiments patrimoniaux, incluant les grands organismes culturels déjà subventionnés au fédéral et provincial. »

 

Les ressources culturelles sont, en quelque sorte,  leurs services de proximité. S’ils veulent aller au cinéma, ils se rendent, grâce à Antitube, au … Musée de la civilisation.

 

Les résultats de l’enquête Vivre dans le Vieux-Québec ont montré que les résidants sont acteurs de leur ville et notamment de ses festivités estivales. Faisant preuve d’une très grande largeur d’esprit, ils participent, au cours de l’été, aux événements et activités culturelles qui se déroulent pendant  plus de 61 jours[8] .

 

La culture est donc pour eux véritablement une manière de penser et d’agir.

 

1.1.           Les fondements de la politique culturelle

 

Tout en souscrivant aux fondements affirmés, le CCVQ se demande si le leadership de la Ville ne devrait pas s’exercer sur des points clairement définis, et en partenariat avec les autres gouvernements. De plus, il remarque que, source d’épanouissement et bien collectif, le facteur culturel est également un élément déterminant dans l’ancrage à Québec de nombreux immigrants, pas seulement européens.


1.2             Orientations et objectifs spécifiques

 

En matière d’accès aux arts et à la culture, toute personne qui choisit en 2002 de venir habiter dans le Vieux-Québec  choisit une offre culturelle très dense et revitalisée, ces dernières années. Cependant, elle aimerait  aussi avoir  la possibilité de choisir une réalité culturelle «  plus  ordinaire ». 

 

Recommandation

Offrir urgemment  un  cinéma de répertoire dans le Vieux-Québec

 

En ce qui a trait à la sensibilisation aux arts et à la culture, le CCVQ souhaite encourager la formation  dans les sites culturels :

 

Les archives  de la ville pourraient être ouvertes  plus largement, de concert avec celles d’autres paliers gouvernementaux. L’engouement des Québécois pour leurs racines justifierait un accès privilégié aux sources généalogiques comme une initiation à la numérisation des archives.

 

 Les écoles professionnelles d’art et culture  pourraient ouvrir leurs ateliers aux jeunes ou aux moins jeunes, partager leurs répétitions avec les travailleurs et résidents comme cela se fait, pendant le Festival d’été. La Faculté d’aménagement et d’architecture, l’Ecole des arts visuels davantage irriguer le quartier de leurs créations, de leurs charrettes. La remarque serait également valable pour les institutions religieuses où les musiciens, poètes et simples résidents aimeraient trouver des oasis d’expression et de création plus largement ouverts.

 

En plus de disposer d’une bibliothèque publique propre dont ils ont hâte de voir réouverte la salle de spectacle, les résidents du Vieux-Québec sont, à dix minutes de marche, de deux  sites culturels de première importance ( St Jean-Baptiste et Gabrielle-Roy).

 

L’accès et la formation  aux nouvelles technologies de l’information (numérisation, création de sites WEB) gagneraient à être plus largement décentralisés. En partenariat avec d’autres organisations, avec les écoles et les centres de loisirs ou le milieu universitaire, les bibliothèques ont à  faciliter le passage de l’oral à l’écrit (ateliers d’écriture mais aussi travail d’écrivain public, etc). L’appropriation du patrimoine  repose, en effet,  sur les interactions structurantes entre trois champs : la langue, l’histoire et la transmission des connaissances.

 

Recommandation

Faire du site de l’Institut canadien  dans le Vieux-Québec une véritable «  Maison de la culture ».

 

L’ouverture à la diversité culturelle  est vécue par tous. Dans ce site du patrimoine mondial, les citoyens appuient toute expression culturelle et tout d’abord la reconnaissance des bâtisseurs du lieu.

 

Recommandation

Le CCVQ appuie la volonté de faire du Morrin College un  centre vivant, largement ouvert, animé à l’année longue et témoignant de l’apport des communautés anglophones au développement de Québec et du Québec.

 

Pour consolider  les acquis, le CCVQ encourage la création et l’innovation par toute initiative  facilitant  les ponts entre les collectivités et en immergeant les générations montantes dans la culture par des dialogues intergénérationnels. Il encourage la connaissance dans trois secteurs culturels essentiels dans le Vieux-Québec :

  

·          Les loisirs scientifiques, peu présents. Or le savoir est toujours objet de dialogue. Pensons aux  expériences relatées  dans La main à la pâte par Georges Charpak. Les centres culturels sont aussi des lieux d’apprentissage scientifique et vice-versa.

·          Le patrimoine intellectuel . Les circuits littéraires sont peu connus et l’apport du Séminaire ou de l’Université Laval au Vieux-Québec mériterait d’être souligné.

·          Le patrimoine humain : celui des métiers d’art, de l’artisanat ou des pratiques anciennes. Les pratiques anciennes, les métiers d’art, peu  valorisées, irriguent à peine le tissu commerçant du Vieux-Québec. Les économusées vont  partiellement dans ce sens.

 

Recommandation

Réinventer les Nouvelles Casernes  d’ici 2008, en les transformant en un lieu rassembleur dans le domaine des métiers du patrimoine et d’art, en complémentarité avec la Maison des métiers d’art , en même temps ateliers  de formation  pour toute la population (par exemple à la photographie) pas nécessairement confiés à des universitaires.

 

Le CCVQ  propose d’élargir les horizons  en inventant un autre regard sur  le Vieux-Québec  tout en impliquant des jeunes ou de moins jeunes, des membres des Premières Nations dans ce kaléidoscope. Il aimerait voir insérer des éléments légers, tester des choses temporaires mais de qualité, qui changeraient la perception urbaine à l’instar de ce que Pierre Thibaut a fait au Musée du Québec. 

 

La bonification de l’offre de tourisme culturel

Les citoyens s’interrogent cependant sur leur rôle dans cet énoncé de politique : par moment on les considère comme des clients à desservir, des individus à outiller culturellement .La question des citoyens résidants dans le secteur historique a peu de place. On mentionne que le tourisme culturel doit être développé pour répondre au comportement des touristes. Mais on n’indique nulle part et de façon claire que ce tourisme doit se développer en tenant compte des besoins et préoccupations urbaines des citoyens (transport, qualité de vie, etc).

 

Le citoyen est un acteur important mais aussi une composante de la vie patrimoniale et culturelle. Il habite la ville.

 

Les résidants et travailleurs du Vieux-Québec peuvent   faire  bénéficier l’ensemble de la nouvelle ville de leur expertise en matière d’animation urbaine.  Ils partagent l’enthousiasme de ce maître d’art mondialement reconnu qui affirmait, lors des Fêtes de la Nouvelle France, que certaine prestation était de calibre international. En ce qui concerne les Grands événements, le Comité des citoyens du Vieux-Québec comme celui de la Place Royale ont développé un partenariat constructif avec les Fêtes de la Nouvelle France.

 

Recommandation   

Associer les résidents à la préparation des Grands  événements ( Carnaval d’hiver, Festival d’été, etc) par une rencontre annuelle.

Faire avec les partenaires le suivi/ bilan de ces activités.

Élargir à la grandeur de la nouvelle ville la portée et la réalité de ces Grands  Evénements, en respectant là encore la demande citoyenne.

 

L’Avant-projet de politique n’aborde aucunement les questions de gestion de l’animation urbaine. La pratique des dernières années semble très questionnable. Les résidants ont  récemment constaté que leur perception de l’animation  urbaine, par exemple sur la Terrasse Dufferin, était assez identique à celle des résidents de Montcalm  vis-à-vis  de l’extension du Festival d’été à leur quartier : les résidents ont le droit d’ouvrir leurs fenêtres en été ou de dormir en paix. Quant à la place Taschereau, c’est un spectacle d’horreur et de bruit qui se perpétue, année après année.

 

 À plusieurs reprises le CCVQ a demandé d’être informé de la politique de gestion de l’animation urbaine. L’approche de la ville ne semble pas cohérente avec son discours de qualité de vie ou de prise en compte des préoccupations. Transformée en une immense salle de spectacle, la ville est le « manager » des artistes et du festif. Chaque place et lieu doit être animée par un chanteur ou un artiste. Pourtant les notions d’animation urbaine comprennent aussi la vie urbaine par elle-même spontanée. L’institutionnalisation territoriale de la gestion des artistes de rue semble aller loin.

 

Recommandations  sur l’animation urbaine

Montrer du discernement dans le choix des artistes  et rehausser les critères de sélection en matière de prestation. A l’instar de Bruges, recruter d’abord des finissants de conservatoires de musique.

Créer  un groupe de travail qui réunirait des représentants des amuseurs publics, de la ville, des citoyens et les organismes concernés tels Parcs-Canada.

N’autoriser aucun amplificateur, en plein air, dans le Vieux-Québec comme dans le reste de  la nouvelle ville.

Maximiser le potentiel en cette matière en le mettant à la disposition  de la nouvelle ville.

 

1.3      La mise en œuvre

 

Le CCVQ est déçu que cette liste, fort sympathique, d’idées  ne procède pas d’une vision d’ensemble intégrée, amalgamant toutes les composantes de la culture et du patrimoine.

 

Certes la gestion patrimoniale et culturelle de la ville ne peut être assujetti à aucun intérêt privé fusse-t-il celui d’un promoteur faisant fi des préoccupations locales de qualité de vie ou d’un résidant souhaitant rénover sans tenir compte des préoccupations collectives.

 

Si la ville procède d’une vision d’ensemble elle ne la partage pas avec ses citoyens ou l’ensemble des intéressés. La gestion par capacité d’accueil d’un lieu et d’équilibre des fonctions n’est pas, certes, chose facile. Elle doit cependant dépasser le discours et procéder dans une vision d’ensemble et à travers des plans d’action et de gestion concertée.

 

L’avant-projet aborde peu la question  des arrondissements historiques. Quelle est la vision de la ville? Quelle gestion  est prévue? La vision de la ville sur ce secteur du centre-ville semble s’appuyer sur une vision muséale du centre historique, touristique et festive. La culture et le patrimoine à notre sens dépassent ses éléments sectoriels, elle procède du passé, du présent, du changement et de systèmes identitaires vivants  et d’appropriation de la population, des gens qui vivent la ville (visiteurs, promoteurs, etc..)

 

Au cœur des préoccupations, certes,  la culture est surtout un axe essentiel de développement. La politique culturelle dont les «  ressources [budgétaires] sont pauvres » selon le maire, ne devrait-elle pas proposer  d’abord une vision globale décentralisée, s’investissant sur des points précis et autour de foyers culturels, toujours multifonctionnels et multidisciplinaires.  Elle favoriserait  les ponts entre les différentes communautés, entre les différents arts et pratiques, entre les différents bénéficiaires, qu’il s’agisse des artistes, des praticiens, des  scolaires et des bénévoles et résidants, comme des visiteurs.

 

Le sociologue  Gabriel Gagnon affirmait récemment : « Dans les petites cultures comme la nôtre, c’est autant par les programmes scolaires et par le soutien à la culture populaire que par la défense des industries culturelles et des créateurs autonomes que l’Etat doit exprimer sa résistance à la globalisation »[9]. Il ajoutait « Son appui est essentiel tant pour la survie de la spécificité culturelle venue du passé que pour l’émergence de créations originales porteuses d’un nouvel imaginaire ».

 

Remplaçons simplement Etat par ville. Ces propos rappellent étrangement ceux du rapport Arpin.

 

Voici des propositions en ce domaine :

·          Mettre en œuvre de la façon la plus simple, par un guichet unique accessible à tous et en partenariat avec les autres paliers de gouvernement concernés.

·          Elargir l’offre en tourisme culturel  à la grandeur de la nouvelle ville.  Pour la plupart des gens qui visitent ou viennent  habiter le Vieux-Québec, il s’agit là d’un modèle de ce qu’on peut faire d’un secteur quand on décide de  le privilégier, de l’améliorer, d’en développer les réserves naturelles. Les quartiers adjacents ont tout intérêt à regarder ce qui a été fait, d’analyser les pourquoi, les comment et les résultats, comme les échecs, s’il en est, des orientations et des efforts de développement culturel dans ce lieu «  concentré » de la Ville.

·          Elargir le Guide de la famille aux loisirs culturels et scientifiques.

·          Etablir une politique municipale transparente en matière d’animation urbaine.  Le CCVQ souhaite en ce secteur une politique municipale dans laquelle serait inscrite la vision de l’animation urbaine dans le quartier historique.

 

Dans cet équilibre animation et espaces publics, il faut se rappeler que le patrimoine est déjà un écrin en tant que tel et qu’il faut trouver un équilibre  en  laissant des espaces de repos, de pause mais aussi de rupture dans la ville. Pourquoi «  materner » le chaland en lui proposant à chaque coin de rue une animation musicale ou clownesque ? Oui à la liberté de choix de chacun, celle de boire tranquillement une bière au cœur du Vieux-Québec, bercé de bruits naturels.

 

2.      Le patrimoine

 

« Le patrimoine culturel est notre héritage collectif et le moyen visible et tangible par lequel les divers objets qui le constituent deviennent autant de points de repère et d’ancrage de notre mémoire et de notre histoire commune.

 

« Si chaque génération réécrit l’histoire à partir des questions nouvelles qui l’habitent, la patrimoine, par sa permanence et son objectivité, assure la continuité de notre histoire, ainsi réécrite de génération en génération. »

 

(Une Politique de la culture et des arts. Proposition présentée à madame Liza Frulla-Hébert, ministre des Affaires culturelles du Québec, par le Groupe-conseil sous la présidence de monsieur Roland Arpin, juin 1991, p. 163)

 

 

Les perspectives ainsi dessinées pour une politique québécoise de la culture et des arts, susceptibles d’inspirer tout aussi bien une politique municipale, mettent en lumière les traits de permanence et d’objectivité, de continuité et de réécriture dans la succession des générations par lesquels se caractérise le patrimoine culturel. Ces traits s’appliquent notamment au patrimoine bâti et au patrimoine urbain qui retiennent particulièrement l’intérêt du CCVQ. 

 

2.1             Le Vieux-Québec, ensemble patrimonial urbain

 

2.1.1 Ensemble patrimonial

 

Dans le « Survol culturel de la capitale », l’  Avant-projet de politique culturelle de la Ville de Québec  évoque à propos l’évolution de la notion de patrimoine depuis la désignation du bâti ancien d’abord jusqu’à celle de « tout objet ou ensemble matériel ou non matériel, reconnu et approprié collectivement pour sa valeur de témoignage et de mémoire historique et méritant d’être protégé, conservé et mis en valeur » (p. 16). Ainsi accrédité désormais, le concept distingue le patrimoine culturel et le patrimoine naturel, le premier comportant ,entre autres,  le patrimoine urbain et le patrimoine bâti.

 

 S’agissant du patrimoine urbain et du patrimoine bâti, il y a lieu de rappeler aussi une évolution d’importance. L’intérêt culturel et le souci de préservation à leur endroit, manifestés d’abord en Europe, se sont portés depuis longtemps sur les édifices historiques exceptionnels, églises, châteaux, ouvrages militaires…Mais, à partir des années 1960, cette préoccupation s’est inscrite dans une perspective sociale de promotion générale du cadre de vie, en particulier en milieu urbain.

 

Ainsi se forgea le concept de « conservation intégrée ». Pris distinctement, des bâtiments anciens qui méritent ou non protection peuvent former une composition harmonieuse et justifier leur sauvegarde en tant qu’ensemble architectural. Dans la foulée, des quartiers entiers de villes historiques acquièrent à ce titre le statut de secteur patrimonial protégé. La conservation s’y applique de manière intégrée aux bâtiments et au quartier, au cadre construit et au cadre de vie. De manière intégrée également, elle maintient aux bâtiments, aussi bien qu’aux lieux publics du quartier, un usage contemporain compatible à la fois avec leur histoire propre et avec les exigences économiques et sociales actuelles.

 

Il y a plus ici que la préservation de bâtiments historiques. Il s’agit de la forme et de l’animation urbaines d’une concentration de bâtiments dont la durée se poursuit continûment. Le Conseil des monuments et sites du Québec préconise à raison qu’une politique culturelle soit complétée par une politique appliquée au patrimoine bâti  Éléments pour une politique du patrimoine bâti au Québec , août 1999).  Le Guide d’intervention  Conserver et mettre en valeur le Vieux-Québec  révisé en 1998 et celui qui vient de paraître relativement aux « quartiers centraux » (Ville de Québec 1998 et 2002) vont dans ce sens. Mais il importe que la politique culturelle marque le caractère propre de la préservation du milieu urbain, c’est-à-dire de la trame et de l’organicité de ce que l’on appelle justement le tissu urbain, bien au-delà de la seule conservation d’immeubles juxtaposés sans liens avec le paysage urbain et avec le milieu de vie auquel ils appartiennent.

 

Le site physique de Québec a frappé le découvreur Cartier et le fondateur Champlain, ainsi qu’en témoignent leurs écrits et le choix qu’ils ont arrêté de s’établir en ces lieux, à l’embouchure de la rivière Saint-Charles et sur la rive du fleuve aux pieds du cap Diamant. Le paysage naturel de la ville demeure son premier trait distinctif, exceptionnel, et sa ressource fondamentale. Le littoral des deux cours d’eau, la baie de Beauport, le côteau Sainte-Geneviève, les hauteurs du cap, les chutes Montmorency, les panoramas depuis et vers le promontoire,  font éminemment partie du patrimoine de Québec. Le CCVQ souscrit avec vigueur à l’énoncé de l’  Avant-projet  :

 

« D’abord considéré sous l’angle écologique et environnemental, ce patrimoine naturel, au même titre que les autres composantes plus traditionnelles, doit être considéré. Ceci représente un défi colossal »[10].

 

 

À l’approche de la conservation entendue en son sens strict, il faut substituer une approche intégrée, souple et avisée, qui cherche à tenir en compte et à  harmoniser les dimensions de l’activité urbaine  qui influent sur la conservation. Conserver ne saurait être ici embaumer. La ville-musée ne peut prévaloir sur la ville vivante.

 

Recommandation

 

Le Comité recommande que les orientations de la politique culturelle en matière de patrimoine marquent distinctement les caractères de l’ensemble patrimonial urbain que constitue le Vieux-Québec et les traits conséquents de l’action de sauvegarde qu’il requiert.

 

           

 

 

2.1.2 Site habité.

 

Le fondement du caractère urbain du Vieux-Québec tient dans le fait qu’il est habité. Un ensemble de bâtiments ou de monuments ne crée pas la ville. Celle-ci commence d’exister par un peuplement. Elle vit toujours par la population qui en assure la durée. Les propriétaires et les occupants, au premier chef les résidants, font  que le Vieux-Québec constitue un quartier urbain. La préservation et la  mise en valeur du patrimoine  bâti et d’abord liée à la préservation et au développement de la population. Or, le souci et l’action de sauvegarde demeurent trop souvent centrés sur le sort du cadre bâti. Ils doivent se porter tout autant sur les habitants du lieu et sur la qualité de vie qui les y attire et les y retient. Non seulement les gens sont les alliés des lieux qu’ils habitent, mais ils créent l’occupation et l’animation naturelles qui mettent ces lieux en valeur dans un cadre urbain authentique.

 

Le Vieux-Québec s'est pourtant dépeuplé de plus de la moitié en vingt ans. Un redressement s'est opéré dans la Basse-Ville par la suite, pour bientôt se ralentir, pendant que la population ne cessait de diminuer dans la Haute-Ville et dans Cap-Blanc. Dans l'ensemble, l'état du nombre des habitants dans le Vieux-Québec s'avère précaire. Par rapport à 7,3 p. cent qu'elle a déjà été, la part relative du Vieux-Québec Haute-Ville et Basse-Ville dans la population totale de la ville (limites de 2001) a chuté à 2,7 p. cent[11].

 

Entre 1961 et 1981, la population du Vieux-Québec Haute-Ville et Basse-Ville a diminué de 60 p. cent, passant de 10 300 ą 4 100 habitants.  De 1981 à 1991, elle a bondi du simple au double dans la Basse-Ville, de 630 à 1230 habitants, le mouvement se ralentissant toutefois considérablement  par la suite. Dans le même temps, la population de la Haute-Ville allait en s'affaiblissant, de 3 450 à 3 180 habitants. Au total, le Vieux-Québec a échappé au creux de 4 100 habitants qu'il a touché en 1981 pour atteindre 4 600 en 1996.  Les données du recensement de 2001 n'étant pas encore connues à l'échelle des quartiers, l'évolution récente n'a pu être relevée.

 

Demeure la question de la masse critique d’habitants nécessaire à un milieu urbain vivant. Le Vieux-Québec y parviendra-t-il? Le tissu  du quartier se trouve certes régénéré par la restauration, le recyclage et la construction d’immeubles à des fins résidentielles. Mais, pour paraître prometteuse, la requalification urbaine du Vieux-Québec n’est pas gagnée. L’évolution positive des quinze dernières années réclame d’être saisie et maîtrisée de manière décisive. Il y faut une vision intégrée, la volonté commune des décideurs et des intervenants, en composant plutôt  qu’en opposant les intérêts, en renonçant à jouer les uns contre les autres résidants, commerçants, touristes et visiteurs, travailleurs et navetteurs.

 

Le Vieux-Québec exige une action de sauvegarde qui s’inscrive dans une véritable problématique et dynamique  d’aménagement urbain, embrassant les facteurs qui en font un ensemble urbain et qui font de cet ensemble un  quartier de la ville à laquelle il appartient organiquement. Parmi ces facteurs figurent essentiellement la population et l’habitat, ainsi que l’ont reconnu les recommandations et les chartes internationales relatives à la protection du patrimoine.

 

Dans sa « Recommandation concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel » adoptée en 1972,  la Conférence générale de l’UNESCO l’a établi :

 

            « Les populations locales devraient être associées directement aux mesures de protection et de conservation à prendre et il devrait être fait appel à elles, en vue d’obtenir des suggestions et une aide, notamment en ce qui concerne le respect et la surveillance du patrimoine culturel et naturel »[12]

 

À la session qu’elle a  tenue quatre ans plus tard, la Conférence générale s’est faite plus explicite :

 

            « L’action de sauvegarde devrait associer la contribution de l’autorité publique à celle des propriétaires particuliers ou collectifs et des habitants et usagers isolés ou groupés, dont les initiatives devraient être encouragées. Une coopération constante devrait donc être établie à tous les niveaux entre les collectivités et les particuliers notamment par les méthodes suivantes : informations adaptées aux types de personnes concernées; enquêtes adaptées aux personnes interrogées; création de groupements consultatifs et comprenant des représentants des propriétaires, des habitants et des usagers auprès des organismes de décision, de planification, de gestion et d’animation des opérations liées aux plans de sauvegarde ou création d’organismes d’économie mixte participant à la mise en œuvre »[13]

 

En 1987, l’ICOMOS a réaffirmé ces mêmes principes en les appliquant aux sites urbains historiques :

 

                « La participation et l’implication des habitants de toute ville sont indispensables au succès de la sauvegarde. Elles doivent être recherchées en toutes circonstances et favorisées par la nécessaire prise de conscience de toutes les générations. Il ne faut jamais oublier que la sauvegarde des villes et des quartiers historiques concerne en premier leurs habitants ».

 

                « Le plan de sauvegarde devrait bénéficier de l’adhésion des habitants ».

 

            « L’amélioration de l’habitat doit constituer un des objectifs fondamentaux de la sauvegarde »[14] .

 

Dans la communication qu’il a présentée à l’ouverture du 2e Colloque international des villes du patrimoine mondial à Fez en 1993, monsieur Serge Viau, alors directeur du Service de planification de la Ville de Québec, en appelait à un « nouveau » partenariat parce que, disait-il,

 

                « On doit reconnaître aux citoyens eux-mêmes, aux propriétaires d’immeubles, aux commerçants un rôle primordial de partenaires. Il ne faut pas oublier que dans la plupart des cas ils fournissent les plus importantes contributions, par leurs investissements, par leurs taxes, par leur travail, par la vie qu’ils soutiennent dans leur milieu, par la permanence qu’ils génèrent. Cela est précieux et trop peu souvent reconnu. (…) Notre planification et les autres partenaires doivent nécessairement tenir compte de ce fait. Tout travail de revitalisation devra inévitablement compter sur l’implication de ces citoyens et de ces citoyennes »[15].

 

La politique culturelle de la Ville ne peut manquer d’inclure, en matière de sauvegarde du patrimoine urbain, la nécessité de sensibiliser les citoyens à la valeur du patrimoine et aux exigences de sa conservation. Il faut dire plus : il est aussi nécessaire d’associer les citoyens à l’action de conservation, dans sa conception non moins que dans sa mise en œuvre, en misant sur les ressources qu’ils offrent comme constituant du patrimoine vivant et habité.

 

Recommandation

 

Le Comité recommande que les orientations de la politique culturelle relativement au patrimoine urbain établissent la nécessité, d’une part, de veiller aux conditions de peuplement du site patrimonial habité du Vieux-Québec et, d’autre part, d’associer la population qui habite les lieux à la conception de leur préservation, au discernement de ce qu’il est avisé d’y  édifier aujourd’hui, à l’action même de sauvegarde comme à l’action de développement intégré du cadre bâti et du milieu de vie.

 

2.2             Le Vieux-Québec, haut-lieu touristique

 

Site patrimonial urbain, le Vieux-Québec confère à la ville un attrait touristique exceptionnel. Non seulement doit-il être préservé comme héritage culturel, mais également comme ressource économique. La perspective écologique doit s’appliquer à cette ressource comme aux  autres. Elle prend le nom de développement touristique durable, ainsi que le concept en a été dégagé par les organisations internationales du tourisme. Les sites naturels et historiques patrimoniaux suscitent une fréquentation à ce point intense qu’elle peut menacer les sites eux-mêmes à défaut d’une saine gestion. Les deux perspectives de « conservation intégrée » du point de vue culturel et de « développement  durable » du point de vue économique convergent.

 

Dans la livraison récente qui marque son quinzième anniversaire, le magazine américain prestigieux Conde Nast Traveler  désigne Québec, parmi les villes, première destination touristique au Canada, sixième dans le monde hors des États-Unis, dixième dans le monde incluant les Etats-Unis. Les critères de l’évaluation conduite auprès de trente mille des abonnés de la publication, dans la catégorie des villes, étaient l’ambiance, l’accueil et les gens, la culture et les sites, les restaurants, le magasinage et les divertissements. Ces résultats manifestent le rapport qui s’établit entre l’attrait touristique de Québec et le caractère que lui confèrent son site, ses paysages naturels et urbains, son patrimoine historique, ses gens, de manière concentrée dans le Vieux-Québec. La présence et l’accueil de la population contribuent distinctement à créer l’ambiance et l’animation recherchées.

 

Par ailleurs, selon les résultats de l'enquête conduite par le CCVQ sur « Vivre dans le Vieux-Québec »[16], les résidants se montrent fiers de leur environ­nement urbain patrimonial, particulièrement  sensibles à la beauté du site, au cachet historique des lieux, à l'architecture des bâtiments, à la proximité du fleuve et de ses rives. Ils sont les premiers touristes chez eux: 88 p. cent s'adonnent régulièrement à la promenade dans le quartier, fréquen­tent eux-mêmes les endroits qui attirent le plus les visiteurs de l'extérieur, depuis le Vieux-Port jusqu'aux Plaines d'Abraham; 89 p. cent s'y attablent aux restaurants.

 

Les gens du Vieux-Québec en ont-ils pour autant contre le tourisme? Pour 63 p. cent d'entre eux, le tourisme est peu ou nullement contraignant. Par ailleurs, le tourisme déplaît à 37 p. cent des résidants, qui le trouvent « assez ou très contraignant »; à noter que la proportion des résidants qui trouvent le tourisme « très contraignant » est passée de 15 p. cent en 1990 à 11 p. cent en 2000.

 

Les réserves exprimées sont  attribuables avant tout aux véhicules motorisés: la pollution visuelle, sonore et olfactive, l'encombrement des rues et des stationnements. Dans les inconvénients de vivre dans le Vieux-Québec et dans les problèmes prioritaires portés à l'attention de la Ville, les nuisances liées aux autobus touristiques viennent en tête. D'autres éléments sont désignés: les boutiques de souvenirs, l'hôtellerie illégale, les hôtels.

 

Que faire? Parmi quatre énoncés qui leur ont été proposés, les deux suivants ont obtenu la faveur du plus grand nombre de répondants:

 

- Le développement de l'industrie touristique, même majeur, peut être concilié avec la vie de quartier et la préservation du patrimoime, en autant qu'une gestion et une concertation des diffé­rents partenaires soient mises en place et soient adéquates. (36,5 p. cent)

 

- Le développement de l'industrie touristique, lorsqu'il est limité, peut être concilié avec la vie de quartier et la préservation du patrimoime, en autant qu'une gestion et une concertation des diffé­rents partenaires soient mises en place et soient adéquates, et que les objectifs de qualité de vie et de préservation du patrimoine aient préséance sur le développement touristique comme tel, le développement touristique excessif pouvant altérer la qualité de vie du Vieux-Québec comme milieu de vie, comme patrimoine et comme produit touristique. (59,1 p. cent)

 

Bref, les résidants considèrent que le tourisme et la vie de quartier peuvent être conciliés; pour 59,1 p. cent, cela exige un contrôle rigoureux des autorités.

 

Habitation et tourisme non seulement peuvent se concilier, mais l'intérêt général requiert de les composer et de les renforcer l'un par l'autre, plutôt que de les opposer.

 

"L'importance grandissante du tourisme culturel et de la qualité de vie fait en sorte que ce ne sont plus seulement des décors physiques qu'on protège et qu'on rénove, mais des milieux de vie en­tiers. C'est la profondeur de la fibre urbaine qu'on remet en valeur, dans son identité, dans son âme, dans sa vie propre. Ce sont des milieux de vie qu'on veut mettre en valeur, et non seulement des cadres bâtis"[17].

 

Recommandation

 

Le Comité recommande que les orientations de la politique culturelle en matière de patrimoine, s’agissant du Vieux-Québec, rapprochent l’exigence de « conservation intégrée » du site patrimonial de l’exigence de « développement durable »  de la ressource touristique qu’il constitue.

 

 

2.3 Le Vieux-Québec, site reconnu

 

2.3.1 Le site du patrimoine mondial

 

Par son  Comité du patrimoine mondial, l’UNESCO a porté la ville de Québec sur la Liste des sites du patrimoine mondial  en 1985. À la suite d’une mission d’observation effectuée à Québec en octobre 2001, à la demande du Bureau du Comité du patrimoine mondial en vue de l’examen du projet d’implantation d’un terminal de croisières à la Pointe-à-Carcy, monsieur Alvaro Gomez-Ferrer Bayo a formulé la recommandation suivante :

 

«  Pour la cohérence de la valeur patrimoniale du site, il faudrait corriger les limites de la déclaration de la Vieille Ville de Québec dans la Liste du patrimoine mondial afin d’incorporer toute l’esplanade de la Pointe-à-Carcy »[18].

 

La limite de l’arrondissement historique du Vieux-Québec et du site du patrimoine mondial est la ligne de la rue Saint-Paul se prolongeant dans le même axe jusqu’au fleuve au-delà de la rue Dalhousie : cette ligne traverse en son milieu le bâtiment de l’ancien Hangar du Marché devenu le Terminal de croisières et partage en deux la rive de la Pointe-à-Carcy entre le quai 22 et le quai Chouinard ,d’une part, et le quai 21 et le bassin Louise, d’autre part.

 

Dans le rapport qu’il a adressé au Comité du patrimoine mondial, en réponse à la demande du Comité formulée à la session qu’il a tenue à Helsinki en décembre 2001, le Canada a indiqué que la « détermination du territoire à inclure dans le site du Vieux-Québec (allait être) examinée avec les représentants de la Ville de Québec, du ministère de la Culture et des Communications du Québec et de Parcs-Canada ». Il a été ajouté que « le comité de travail (allait profiter) de l’occasion pour examiner les opportunités d’apporter certains ajustements à l’ensemble du périmètre existant »[19].

 

Le CCVQ s’est réjoui de ce que l’envoyé du Comité du patrimoine mondial à Québec a retenu la recommandation qu’il lui a soumise à ce sujet. Il estime qu’il y a tout lieu, en effet, de réviser les limites de l’arrondissement historique du Vieux-Québec de manière à assurer l’intégrité de l’ensemble patrimonial urbain qu’il constitue.

 

Recommandation

 

Le CCVQ recommande à la Ville de presser le gouvernement du Canada de donner suite à l’intention dont il a fait montre auprès du Comité du patrimoine mondial d’engager le processus d’ajustement du périmètre du site du Vieux-Québec.

 

 

2.3.2 L’arrondissement historique

 

 

Par la « Loi sur les monuments historiques » adoptée en 1963, le Québec  crée le statut d’arrondissement historique qu’il confère au Vieux-Québec. Celui-ci voit reconnue, sur le plan national, sa valeur patrimoniale urbaine et architecturale. S’ajoute,en 1985,la marque internationale de reconnaissance qui lui vient de l’UNESCO : Québec est portée sur la Liste des sites du patrimoine mondial, auprès des villes qui présentent une valeur universelle exceptionnelle. Québec s’illustre ainsi du fait qu’elle fut le berceau de la civilisation française en Amérique  et qu’elle témoigne, par son architecture et par ses paysages urbains, du rôle historique qu’elle joua à titre de capitale sous les régimes français, britannique et canadien. Place forte stratégique durant plus de trois siècles, assiégée cinq fois, Québec a conservé les principales composantes de son système de défense ancien et elle est la seule ville d’Amérique, au nord du Mexique, entourée d’une enceinte de fortification authentique.

 

La plus ancienne des grandes villes au nord du Mexique également, Québec marquera en 2008 ses quatre siècles d’existence. Sa fondation s’est accomplie sur les lieux de la place Royale qui en conserve la trace dans les vestiges de l’Abitation même de Champlain. Ce que commémorera ce quatrième centenaire, c’est aussi l’acte de naissance du Québec et celui de l’Amérique française qui s’est étendue sur les deux tiers du continent, de la baie d’Hudson au golfe du Mexique et du piémont des Appalaches à celui des Rocheuses.

 

Adoptée en 1972 en remplacement de celle de  1963, la « Loi sur les biens culturels » a consacré le statut d’arrondissement historique,non plus réservé au Vieux-Québec, mais étendu à d’autres quartiers anciens de villes ou municipalités. À l’arrondissement historique du Vieux-Québec se sont ajoutés huit autres au fil des ans, dont trois qui appartiennent aujourd’hui à ville nouvelle de Québec, soit Beauport, Charlesbourg et Sillery.

 

La « Loi sur les biens culturels »  a également instauré le statut de site national, lequel n’a été attribué jusqu’ici qu’à la seule Colline parlementaire dans la capitale. Agréé en 1985 site du Patrimoine mondial, comment le Vieux-Québec n’a-t-il pas encore été déclaré site national, selon le statut pourtant prévu par la Loi? La perspective du quatrième centenaire de la fondation de la ville en 2008 ne doit-elle presser le gouvernement d’y procéder sans plus tarder, en corrigeant cette situation paradoxale? Le CCVQ recommande à la Ville de le requérir.

 

 

Recommandation 

 

Le Comité recommande que la Ville obtienne du gouvernement du Québec qu’il attribue au Vieux-Québec  le statut de site national défini par la « Loi sur les biens culturels ».

 

 

2.3.3 Le partage des responsabilités

 

La charge et le soin du Vieux-Québec relèvent de plusieurs niveaux de responsabilité et de plusieurs instances :

 

le gouvernement du Canada, le gouvernement du Québec et la Ville de Québec;

 

la Commission des biens culturels du Québec et la Commission d’urbanisme et de conservation de la Ville de Québec;

 

la Société de développement des entreprises culturelles et le Musée de la Civilisation qui agissent à Place-Royale;

 

la Commission de la Capitale nationale, la Société du 400e anniversaire de Québec, la Société du patrimoine urbain de Québec. 

 

Une politique municipale de la culture doit contribuer, quant au patrimoine, à la clarification, à l’articulation et au renforcement des responsabilités ainsi partagées, en circonscrivant à tout le moins  le rôle propre de la Ville dans la « maîtrise d’œuvre » qu’elle entend exercer, de manière à conjurer éparpillement et chevauchement.

 

À l’égard de Place-Royale, du Vieux-Québec, des arrondissements historiques de Beauport, de Charlesbourg et de Sillery, de même que des autres composantes patrimoniales de son territoire, il semble incomber à la Ville d’instaurer  le lieu de pouvoir et de référence  manquant et nécessaire, qui puisse s’imposer par son autorité, par son expertise et par ses moyens. Il importe que les projets majeurs et structurants, aussi bien que les projets plus fins et vivifiants, reçoivent l’inspiration  dynamique et avisée, de même que l’encadrement  et le soutien appropriés. Il importe que la conception et la réalisation des projets répondent à l’état des connaissances quant aux approches, aux méthodes et aux techniques de conservation du patrimoine bâti et des ensembles historiques urbains. À l’origine de la création de l’Organisation  des villes du patrimoine mondial, dont elle abrite le siège social, que la Ville de Québec dispose en son sein des ressources humaines professionnelles qui lui permettent de s’approprier les fruits des échanges et des actions de coopération auxquels elle est appelée à participer activement, en toute conséquence de son engagement au plan international.

 

Par ailleurs, la concertation fédérale, provinciale et municipale paraît bien peu vigoureuse, pour dire le moins. Les trois paliers politiques et administratifs ont concouru à l’admission de Québec parmi les villes inscrites par l’UNESCO sur la liste du Patrimoine mondial. Elles ont consenti ensemble aux engagements contractés. Un comité tripartite a vu le jour. Le cas énorme de l’implantation d’un terminal de croisières à la Pointe-à-Carcy, sur la rive même du fleuve qui appartient au site  du Patrimoine mondial, n’a pas suffi cependant à susciter l’attention de ce comité qui ne s’en est en rien saisi. Le Canada, pour autant, s’est fait fort auprès du Comité du patrimoine mondial d’avoir créé une telle instance, illustrant le soin apporté à la sauvegarde du Vieux-Québec par les trois parties réunies. À cet égard, l’observateur dépêché à Québec par le Comité du patrimoine mondial a estimé devoir formuler ce qui suit dans son rapport.

 

« Pour éviter des conflits comme celui-ci, je propose que toutes les Administrations qui ont des propriétés ou des juridictions dans le site se mettent d’accord dans un plan d’urbanisme sur la zone, promu par la Ville, et cela dans un délai le plus court possible »[20].

 

Il n’a guère été à même de constater, en effet, quelque dynamique active de concertation entre les « Administrations.

 

L’Entente du gouvernement du Québec et de la Ville de Québec conclue initialement en 1979, reconduite tous les cinq ans depuis, pose également question. Quand, en 1963, le gouvernement a désigné le Vieux-Québec « arrondissement historique », la Ville a estimé que la responsabilité du Vieux-Québec allait  incomber au gouvernement.  Il a bientôt  paru que celui-ci ne disposait pas des ressources ni humaines ni financières dans la mesure que requérait cette prise en charge. De surcroît et surtout, le gouvernement ne pouvait que demeurer éloigné de la réalité des lieux pour assumer non seulement leur conservation, mais également leur animation et leur développement en tant qu’un ensemble et un quartier urbains. À la faveur du mouvement de décentralisation de l’administration alors observable, le gouvernement et la Ville ont convenu que celle-ci recevait la responsabilité de l’arrondissement historique, moyennant des crédits versés par celui-là pour qu’ils se  joignent à ceux que la Ville elle-même engageait. C’est à ce moment que l’administration municipale a créé, au sein de son Service de l’urbanisme, la  Division Vieux-Québec et patrimoine, unité multidisciplinaire chargée d’élaborer et de mettre en œuvre le plan de sauvegarde du Vieux-Québec et dont l’effectif a compté jusqu’à douze personnes.

 

L’évolution du dispositif de l’Entente, dans son encadrement et dans son fonctionnement, en a cependant émoussé la portée au regard de la prise en charge du Vieux-Québec. D’une part, la dévolution de cette prise en charge vers la Ville a accrédité le désengagement du gouvernement: délestage de son autorité et de ses ressources humaines compétentes; transfert depuis le gouvernement vers la SOGIC, devenue la Société de développement des entreprises culturelles, des immeubles de copropriété publique de Place-Royale; transfert depuis le gouvernement et la Ville vers le Musée de la Civilisation du mandat de l’animation  de Place-Royale. D’autre part, la Ville a démembré sa Division Vieux-Québec et patrimoine dont le personnel expert et spécialisé s’est dispersé ou perdu et dont le mandat s’est dissout dans celui du nouveau Centre de développement économique et urbain, lui-même emporté à son tour dans la réorganisation commandée par l’avènement de ville nouvelle; la charge du Vieux-Québec s’est fondue dans celle de tous les domaines du patrimoine culturel, détachée d’une conception et d’une pratique intégrées au développement urbain, sur tout le territoire de la ville, maintenant considérablement élargi; le champ de l’Entente entre le gouvernement et la Ville s’est étendu de la même manière.

 

L’Entente prévaut toujours, sous son nom actuel d’Entente entre le ministère de la Culture et des Communications et la Ville de Québec pour la mise en valeur du patrimoine. Certes, elle constitue un instrument de toute importance depuis son origine. Elle paraît cependant se maintenir sur son erre d’aller, plus selon les nécessités de la gestion que sous l’effet d’une action vigoureuse, subissant des modifications de caractère administratif qui n’ont en fait touché les orientations de la sauvegarde patrimoniale du Vieux-Québec que pour les diluer. La reconduction quinquennale obéit à des ajustements dont conviennent les gestionnaires désignés par les parties, qui ne bénéficient ni de  la direction d’une politique du patrimoine bâti et urbain, ni de l’appui de ressources expertes.

 

Le Vieux-Québec inclut une part considérable de propriétés du gouvernement du Canada et de propriétés de communautés religieuses. La Ville a un devoir de vigilance active et de prévision à l’égard de ces composantes fortement structurantes. Elle ne saurait moins s’en préoccuper du fait qu’elle n’en a pas la charge.  Le Comité s’inquiète de leur évolution et de leur avenir, qui constituent des facteurs lourds de la sauvegarde et du développement intégrés de l’ensemble du site patrimonial. Des rapports certes existent entre les parties. Le Comité estime cependant  que la Ville devrait s’y engager plus résolument aussi bien qu’opportunément.    

 

Recommandations

 

Le Comité recommande que la Ville, à l’égard de Place-Royale, du Vieux-Québec, des arrondissements historiques de Beauport, de Charlesbourg et de Sillery, de même que des autres composantes patrimoniales de son territoire, ménage  le lieu de pouvoir et de référence  manquant et nécessaire, qui puisse s’imposer par son autorité, par son expertise et par ses moyens.

 

Le Comité recommande que la Ville définisse le partage de ses responsabilités propres et de celles du gouvernement du Québec relativement à la sauvegarde du patrimoine bâti urbain et, à cet égard, mette à jour les orientations de l’Entente qui lie les deux parties pour la  mise en valeur du patrimoine.

 

 

2.3.4 L’aide à la restauration

 

L’aide à la restauration des bâtiments anciens du Vieux-Québec appelle nouvelle considération. Elle fait l’objet d’un programme qui s’inscrit dans l’Entente dont il vient d’être question; ce programme a été soumis à une évaluation en 1996. La nécessité et l’efficacité de l’aide qu’il procure se sont avérées. Ses modalités ont suscité deux réserves.  D’une part, selon les résultats dégagés, un « nombre non négligeable de propriétaires croient que les règles d’application ne sont pas les mêmes pour tous et que les entrepreneurs profitent du programme pour majorer leurs prix »[21]. D’autre part, les propriétaires demandent que l’aide accordée couvre non seulement la restauration, mais aussi l’entretien[22]. Dans les années plus récentes, s’est ajoutée l’observation de ressources insuffisantes au point de prolonger les délais d’attente qui découragent de rien entreprendre, les crédits se trouvant épuisés au moment que l’année s’ouvre, susceptibles d’être vite accaparés au bénéfice de gros projets et au détriment des plus petits.

 

 

En réaffirmant le bien-fondé de l’aide indispensable à la conservation des bâtiments anciens du patrimoine urbain du Vieux-Québec, la politique culturelle en matière de patrimoine doit prévoir un nouvel examen des conditions de cette aide. Notamment, une autre voie que celle des subventions est à examiner : c’est la voie des dégrèvements fiscaux, dont l’expérience dans nombre d’États a été relevée favorablement par des observateurs experts :

 

«  Les réductions ou exonérations fiscales constituent un (…) mode d’intervention à charge des finances publiques dont l’effet multiplicateur peut être très intéressant. Les subventions publiques permettent d’établir des priorités et de bien cibler les interventions moyennant, en général, de longs délais et des pesanteurs administratives. Les exonérations fiscales, par contre, mobilisent les moyens financiers avec plus de souplesse et de rapidité et incitent directement les propriétaires à agir, mais de manière beaucoup plus diffuse; elles sont ainsi particulièrement appropriées pour assurer l’entretien régulier des édifices »[23].

 

Souplesse et rapidité dans la mobilisation des moyens financiers : à ces avantages s’adjoignent ceux de l’égalité de traitement des propriétaires et de la possibilité d’inclure l’entretien des immeubles dans les fins de l’aide accordée, réponse à deux points faibles du programme actuel de subventions ressortis de l’évaluation qui en a été faite. Des exonérations fiscales s’appliquent déjà en certains domaines; les producteurs agricoles, par exemple, bénéficient d’avantages qui visent à promouvoir et à maintenir l’agriculture. Par ailleurs, de telles exonérations sont susceptibles de contribuer à conjurer le travail au noir, florissant dans la restauration et la construction des bâtiments, et à accroître les revenus de l’État de manière à compenser les dégrèvements consentis.

 

Plus encore, il y a lieu de tenir compte des retombées économiques des dépenses de conservation.

 

« Considérées au point de vue des finances publiques, les opérations de conservation, loin d’être des dépenses à fonds perdus, apparaissent comme de véritables investissements. Bien entendu, leur rentabilité varie en fonction du degré d’intervention et du type particulier d’opération, dans tel ou tel contexte. Mais cette rentabilité est toujours plus importante qu’il n’y paraît en première approche.

 

« Les bénéfices économiques directs sont liés au nouveau cycle de vie d’un immeuble déjà amorti, à valeur symbolique importante. Mais surtout au soutien d’activités économiques à forte intensité de main-d’œuvre et à haute valeur ajoutée. Par leur effet d’entraînement sur l’ensemble de l’économie, ces activités ont un effet multiplicateur considérable.

 

« Mais les bénéfices économiques indirects sont aussi importants. L’industrie touristique, notamment, qui est pour beaucoup tributaire de l’attrait des centres urbains anciens et des édifices historiques, constitue un secteur de développement économique très important. En amont et en aval des opérations de restauration, de nombreuses activités bénéficient des retombées induites de ces investissements. Si bien que, du point de vue de la  fiscalité directe ou indirecte, les retombées sont diverses et importantes. Et ces considérations ne prennent pas en compte la plus-value culturelle et sociale non quantifiable, mais dont l’importance est souvent décisive »[24].

 

Recommandation

 

Le Comité recommande que soit revu le programme d’aide à la restauration des bâtiments traditionnels du Vieux-Québec, en examinant notamment  le recours possible à des dégrèvements fiscaux ou à des exonérations de taxes.

 

 

 

Héritage national et site du patrimoine mondial, le Vieux-Québec se détache comme l’un des hauts-lieux par lesquels les sociétés et l’humanité s’édifient : des lieux de mémoire qui ancrent le passé, mais qui, non clos sur eux-mêmes, profilent des repères vers l’horizon; des lieux d’exemplarité dont les singularités perdurent pour investir l’avenir de l’indéfinie possibilité de créer[25]. Le Vieux-Québec réclame d’une politique culturelle de la Ville qu’elle reconnaisse la place qu’il occupe et qu’elle marque les orientations et les principes d’intervention propres à

 

 

2.4      D’autres patrimoines à revendiquer

 

Le patrimoine mobilier  devrait être conservé, les maisons anciennes sont légalement transformées en coquilles vides.

 

Le patrimoine naturel s’inscrit naturellement dans la démarche. L’article La nature en ville : Un patrimoine à réinventer [26] plaide le développement du potentiel de créativité et de rencontres sensorielles qu’offrent les jardins,  victoriens ou non. Le CCVQ  appuie ses propositions : diversifier et mieux connaître la végétation; diversifier les aménagements; revitaliser les jardins d’intérêt historique;faire l’inventaire des arbres anciens de Québec et sensibiliser à cet héritage.

 

De plus, le CCVQ appuie un partage d’expériences dans le cœur urbain, et en même temps  mode de communication inter-générationnelle.

 

Recommandation 

Développer un jardin communautaire, au cœur du Vieux-Québec.

 

La nature en ville est donc un patrimoine à investir et partager,  en concertation avec les résidents, les associations et tous les «  fous enragés » de Québec.

 

 

 

3.      La citoyenneté 

 

Dans cette ville d’histoire et d’art où ils sont légion, les bénévoles, comme le partenariat sont des leviers du développement culturel, au même titre que les experts ès- ville que sont ses travailleurs et citoyens.

 

3.1               Placer le citoyen au cœur du développement culturel

 

Michel Serres répète que «  le don crée de la valeur ». Il faut encourager les réseaux d’échanges réciproques de savoir et d’abord ceux constitués dans les nombreuses instances démocratiques, conseils de quartier, comités consultatifs et diverses associations de quartier en matière culturelle. Quelles sont leurs demandes, quels sont leurs savoirs?

 

3.2               Sensibiliser et conscientiser

 

L’article  de Diane Vincent met l’accent sur le regard neuf que posaient les jeunes sur le patrimoine.

 

Le CCVQ propose de  susciter un partenariat bibliothèques publiques / groupes scolaires / centres d’artistes / associations et citoyens, notamment par la mise en place d’un réseau Internet citoyen. « Si Internet permet un échange d’information, s’il amène une plus grande mobilisation et une plus grande responsabilité sociale, l’exercice de la démocratie en sera amélioré. »[27] La bibliothèque Gabrielle-Roy est un modèle transdisciplinaire et multiculturel, très inspirant en la matière.

 

Il forme le voeu que le développement culturel favorise cette« science réparatrice » comme la définit Jacques Dufresne qui ne peut s’épanouir qu’à la condition de renouer le dialogue avec les gens.

 

Les bibliothèques publiques, de concert avec d’autres centres de documentation,  nourriront les pratiques associatives , par exemple en accueillant des sites WEB des associations, en formant leurs administrateurs et bénévoles aux nouvelles technologies de l’information. Ces bibliothèques publiques, outillées à la largeur de la ville,  répondront aux demandes présentes et futures du milieu associatif : appui à la constitution d’archives numériques, à la gestion de  sites,  fourniture également des documents sur la vie citoyenne.

 

 

Recommandation

 Faire pour 2008 du Palais de l’intendant le témoin de l’évolution de la notion et des formes de pouvoir en terre d’Amérique tout en étant un lieu de la vie civique mais aussi citoyenne.

 

 

3.3               Partager des savoirs  et faire société

 

La ville de Québec vit au rythme de la  démocratie participative : partie prenante des décisions concernant le développement culturel sous toutes ses facettes, les citoyens en évalueront-ils également les impacts?

 

Elle doit vivre au rythme de nouvelles solidarités, fêter ces savoirs. Sera-t-il possible de fonder le lien social sur la réciprocité, la dignité, l’attention à autrui et la reconnaissance mutuelle? Dans cette ville patrimoniale  où l’aventure serait d’apprendre et de faire société,  l’artisanat et les métiers d’art sont déjà fondés sur des réseaux d’échanges réciproques de savoirs. Pourquoi ne laisse-t-on pas une place à ceux-ci ? Des entreprises  se créeront par mutualisation des savoirs, des savoirs sur la santé s’échangeront dans l’autobus, une «  tontine de savoirs » se constituera pour des créations personnelles.

 

Que chaque résident  de la nouvelle ville, «  fou » de culture, puisse affirmer «  Mon quartier est un lieu de curiosité », qu’il revendique et s’approprie le patrimoine par une démarche de centration –retour à soi.  Enfin,  par la citoyenneté, qu’il crée des réseaux ouverts, hétérogènes, égalitaires.

 

CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

 

La ville de Québec est incontestablement un haut lieu de culture avec quelques projets exemplaires (Méduse, Passage des Ecossais) des petites places commémoratives mais aussi actuelles qui donnent un sens à l’art, à  la culture en s’intégrant dans la ville tout en prenant en considération les préoccupations citoyennes de qualité de vie, de capacité d’accueil.

 

Nous sommes inquiets que la ville souhaite élaborer un cadre de gestion et d’action à partir d’une liste d’éléments et non d’une réelle vision intégrée et partagée du développement culturel. Nous sommes aussi inquiets du peu de place fait aux citoyens en tant qu’acteurs principaux de la culture et de la mise en valeur de la culture urbaine.

 

 Les recommandations que le CCVQ formulent vont dans ce sens et cherchent à « renverser la vapeur » des tendances de désertification, de centre/commercialisation, de mise en valeur muséale et sectorielle et de masse  sans vision intégrée de continuité et d’insertion dans la vie urbaine qui se dégagent de l’Avant-projet de politique.

 

Recommandations

·          Que la ville complète l’exercice d’élaboration d’une politique culturelle et patrimoniale en y définissant une vision intégrée de l’ensemble des aspects couverts et des orientations et objectifs montrant la vision de comment cela s’intègre dans la ville territorialement et dans la vie quotidienne.

 

·          Que le projet de politique fasse à nouveau l’objet d’une consultation publique ou à tout le moins qu’elle fasse l’objet de larges séances d’information avec une possibilité de faire des commentaires avant son adoption définitive.

 

 

·          Qu’un plan de gestion et d’action en découle tel que prévu et que ce plan notamment en matière de tourisme culturel et de mise en valeur touristique, patrimoniale et culturellle vise à maintenir la signification culturelle et patrimoniale du Vieux-Québec par des mesures stratégiques : gestion par capacité d’accueil, qualité de vie, politique d’habitation pour contrer la désertification et visant à maintenir la vitalité (résidants qui résident et vivent dans cet arrondissement) du Vieux-Québec et non seulement le patrimoine bâti ou l’industrie culturelle.

 

Ce plan, tel que stipulé par Icomos, devra établir les limites du développement touristique et culturel, notamment en termes de capacité d’accueil, de transport urbain, de bien  être social, économique et culturel des citoyens. Il devra faire aussi l’objet d’un consensus auprès de l’ensemble des acteurs intéressés : citoyens,  conservateurs, opérateurs touristiques, office du tourisme, SIQ, Parc Canada, hôteliers,OVPM, SODEC, CCNQ, Commission de la Place Royale, etc…. En ce sens, si l’exercice de développement et mise en valeur touristique du Vieux-Québec se poursuit, celui-ci devrait impliquer concrètement tous les acteurs et faire l’objet d’une consultation en vue d’une vision concertée dans une optique de développement durable. Ce plan devra être cohérent et harmonisé avec les planifications d’ensemble de la ville qui auront fait l’objet de consultation et de concertation.

 

Cette requête n’est pas nouvelle pour le CCVQ qui la réitère.

 

 M. L’Allier rappelait en 2002 au gouvernement qu’ il est temps que l’État change le cap et s’active réellement à la protection et la mise en valeur du patrimoine, dans son sens élargi et véritable. Le CCVQ croit que ce message peut s’appliquer à la Ville.

 

Que la politique culturelle comprenne une politique d’animation urbaine basée sur une vision d’ensemble, intégrée dans la ville et tenant compte des préoccupations des citoyens. Cette politique devrait traiter de la notion d’animation urbaine , de sa gestion, des nuisances sonores, du rôle d’une place publique, du festif, des aménagements temporaires des grands évènements, de la qualité de prestation des amuseurs publics, d’une politique de suivi et d’évaluation intégrant les citoyens .

 

Que cette politique prévoit des mesures visant à intégrer savoir local, vivant des citoyens ordinaires avec les artistes qui viennent s’approprier la ville.  L’expérience du Pas-de-Calais qui s’appelle intercommune-culture est très éloquente. Il y a aussi le partenariat entre les grandes entreprises économiques et la diffusion des arts notamment les jeunes artistes qui pourrait être travaillé à l’image de la Ville de Sherbrooke. La culture n’appartient pas qu’aux professionnels et elle doit se démocratiser. 

 

 

Fs/culture-finale

                                  

 

 



 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] Le patrimoine urbain : mémoire présenté à Monsieur Roland Arpin, président du Groupe-conseil sur la politique du patrimoine culturel. CCVQ, mai 2000.

[2] Notre patrimoine, un présent du passé. – Novembre 2000

[3] « Les trois temps du patrimoine ». Patrimoine et identités. Québec : Musée de la Civilisation et Multimondes, 2002. p.231-233.

[4] Vivre dans le Vieux-Québec : Rapport d’enquête / Michel Simard. CCVQ, mai 2002

[5] « Vivre dans le Vieux-Québec : Attraits et revers : résistants, résidants et artisans ». MURS MURS, avril 2002,  vol.11, no 1,pp.1-3

[6] Territoires culturels. Montréal : Bellarmin, 2002, pp.8-9

[7]  Continuité, no 94, pp. 56-57

[8] Tableau  Evénements et activités dans «  L’industrie touristique en congrès chez nous » / par Benoît Bossé. MURS MURS, id. pp.5-8.

[9] « La culture québécoise résistera-t-elle à la globalisation? » / par Gabriel Gagnon. Possibles, vol.26, no 4, p.50.

[10] Op.cit., p. 41

[11] Voir Michel Simard, Vivre dans le Vieux-Québec..Rapport d’enquête. Comité des citoyens du Vieux-Québec, 2002

[12] UNESCO. Recommandation concernant la protection, sur le plan national, du patrimoine culturel et naturel. Adoptée par la conférence générale à sa dix-septième session, Paris, 16 novembre 1972.

[13] UNESCO. Recommandation concernant la sauvegarde des ensembles historiques ou traditionnels et leur rôle dans la vie contemporaine. Adoptée par la coférence générale à sa dix-neuvième session, Nairobi,26 novembre 1976, article 35.

[14] Conseil international des monuments et sites, Charte internationale pour la sauvegarde des villes et des quartiers historiques, octobre 1987,article3

[15] Serge Viau, « Nouveaux partenaires demandés », dans Actes du 2e colloque international des villes du patrimoine mondial, Fès, septembre 1993,p.53

[16] Op. cit.

[17] Serge Viau, Allocution d'ouverture prononcée au Colloque interdisciplinaire sur le traitement du patrimoine urbain tenu à Québec en 1997

 

[18] Alvaro Gomez-Ferrer Bayo, « Rapport. Mission de suivi réactif pour l’arrondissement historique de Québec (Canada) 17-20 octobre 2001 », ICOMOS, Valencia, 23 novembre 2001, p.24

[19] Lettre de Christina Cameron, directeur général des Lieux historiques nationaux et chef de la délégation canadienne au Comité du patrimoine mondial, à Francesco Bandarin, directeur du Centre du patrimoine mondial de l’UNESCO, 8 mars 2002

[20] Op. cit., p.24

[21] Michel Tessier, Étude d’évaluation du Programme d’aide à la restauration des bâtiments traditionnels du Vieux-Québec (Maître d’œuvre), Le Groupe Léger et Léger, novembre 1996, p.11

[22] Ibid.

[23] Jean-Louis Luxen, « Le patrimoine urbain et son financement », dans Actes du 2e colloque international des villes du patrimoine mondial, Fès, septembre 1993, p. 114

[24] Ibid., p.112

[25] Voir Raphaël Larrère, « Enquête sur les singularités des lieux », dans Des hauts-lieux. La construction sociale de l’exemplarité, Éditions du CNRS, Paris, 1991, p.33-52; André Micoud, « Les lieux exemplaires : des lieux pour faire croire à des nouveaux espaces », dans Des hauts-lieux, p.53.

[26] « La nature en ville, un patrimoine à réinventer »Continuité / Spécial 20e Anniversaire, no 94, p.47-49

[27] «  Débat : L’être humain et la technique »  Jacques Dufresne / Pierre Lévy, Forces,2001