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Le Patrimoine urbain
Mémoire présenté
à Monsieur Roland Arpin président
du Groupe-conseil sur
la politique du patrimoine culturel par
le Comité des citoyens du Vieux-Québec Christine
Gosselin, présidente Benoît-Jean
Bernard, vice-président Benoît
Bossé, membre Jacques
Lamarche, membre avril 2000 "Le patrimoine culturel est notre héritage collectif et le moyen
visible et tangible par lequel les divers objets qui le consitutent deviennent
autant de points de repère et d'ancrage de notre mémoire et de notre histoire
commune. "Si chaque génération réécrit l'histoire à partir des
questions nouvelles qui l'habitent, le patrimoine, par sa permanence et son
objectivité, assure la continuité de notre histoire, ainsi réécrite de génération
en génération." (Une Politique de la culture et des arts. Proposition présentée à madame Liza Frulla -Hébert, ministre des Affaires culturelles du Québec, par le Groupe-conseil sous la présidence de monsieur Roland Apin, juin 1991, p. 163) Les perspectives ainsi dessinées en 1991
mettent en lumière les traits de permanence et d'objectvité, de
continuité et de réécriture dans la succession des générations par lesquels
se caractérise le patrimoine culturel. Ces traits s'appliquent notamment au
patrimoine bâti. Le présent mémoire s'attache à une partie circonscrite
de ce patrimoine, d'une singulière importance de par sa densité et sa
rareté: le patrimoine urbain. Le Comité des citoyens du Vieux-Québec soumet
ses observations à ce sujet du point de vue de l'action qu'il poursuit
depuis 1975. Organisme de sauvegarde du patrimoine urbain du Vieux-Québec, il
veille à la fonction résidentielle comme gage primordial de cette sauvegarde
dans la mesure de son intégration aux autres fonctions qui assurent au milieu
sa vitalité , son authenticité, son développement avisé et durable au sein
de la ville. 1. Les
orientations 1.1
Le Vieux-Québec, site patrimonial Le
Vieux-Québec a été porté en 1985 sur la Liste du Patrimoine mondial de
l'UNESCO en reconnaissance de sa valeur universelle exceptionnelle, du fait
qu'il fut le berceau de la civilisation française
en Amérique et qu'il témoigne, par son architecture et ses paysages
urbains, du rôle historique qu'il joua à titre de capitale sous les régimes
français, britannique et canadien. Place forte stratégique durant plus de
trois siècles, assiégée cinq fois, Québec a conservé les principales
composantes de son système de défense
ancien et elle est la seule ville d'Amérique, au nord du Mexique, entourée
d'une enceinte de fortification authentique. La plus ancienne ville au nord du Mexique également,
Québec marquera en 2008 ses quatre siècles d'existence. L'événement
fondateur s'est accompli sur les lieux de la place Royale qui conserve, avec les
vestiges de l'Abitation de Champlain, la trace de la première occupation européenne
permanente à devenir une ville en sol nord-américain. Ce que commémorera ce
quatrième centenaire, c'est aussi l'acte de naissance du Québec et celui de
l'Amérique française qui s'est étendue sur les deux tiers du continent de la
baie d'Hudson au golfe du Mexique et du piémont des Appalaches à celui des
Rocheuses. Auparavant, en 1963, une loi québécoise a créé
l'arrondissement historique de Québec, placé sous la responsabilité de la
Commission des monuments historiques du Québec. La Loi sur les biens culturels
adoptée en 1972 a consacré le statut d'arrondissement historique, non plus réservé
à Québec; elle a également instauré le statut de site national, lequel n'a
été attribué jusqu'ici qu'au seul site de la Colline parlementaire. Agréé
en 1985 site du patrimoine mondial, comment le Vieux-Québec n'a-t-il pas encore
été déclaré site national, selon le statut pourtant prévu par la Loi? La
perspective du quatrième centenaire de la fondation de la ville en 2008 ne
presse-t-elle pas le gouvernement d'y procéder sans plus tarder, en corrigeant
cette situation paradoxale?
Recommandation
1 Le Comité
recommande que le statut d'arrondissement historique attribué au Vieux-Québec
soit remplacé par celui de site national. 1.2 Le Vieux-Québec, patrimoine urbain Le Québec ne compte que deux ensembles urbains
patrimoniaux: le Vieux-Québec et le Vieux-Montréal. La teneur et la qualité
de leur bâti ancien dans une forme urbaine authentique et toujours vivante réclament
qu'ils soient distinctement reconnus. La politique québécoise de la culture
doit établir que ces ensembles contribuent de manière singulière à la
manifestation tangible de la culture, témoignent de l'identité collective,
constituent une richesse et une ressource à préserver et à transmettre
vivantes aux générations futures. Il y a plus ici que la préservation de bâtiments
historiques. Il s'agit de la forme et de l'animation urbaines d'une
concentration de bâtiments dont la durée se poursuit continûment. Si les
orientations générales adoptées doivent poser la nécessité d'une politique
complémentaire appliquée au patrimoine bâti (voir Conseil des monuments et
sites du Québec, "Éléments pour une politique du patrimoine bâti du Québec",
août 1999), il importe qu'elles marquent les exigences propres à la préservation
d'un milieu urbain, c'est-à-dire de la trame et de l'organicité de ce que l'on
appelle justement un tissu urbain, bien loin de la seule conservation
d'immeubles juxtaposés sans liens avec la vie du milieu auxquels ils
appartiennent. La Loi sur les biens culturels a innové en 1972 en dégageant le
concept d'ensemble urbain. Cette orientation doit être remise en évidence. En outre, puisque le Vieux-Québec prend rang
parmi les villes du Patrimoine mondial, l'engagement en découle pour le
gouvernement du Québec de faire siens les principes énoncés dans les chartes
internationales relativement à la sauvegarde des villes historiques, notamment
la "Recommandation concernant la sauvegarde des ensembles historiques ou
traditionnels et leur rôle dans la vie contemporaine", adoptée par la
Conférence générale de l'UNESCO le 26 novembre 1976, et la "Charte
internationale pour la sauvegarde des villes historiques", adoptée par l'ICOMOS
en octobre 1987. Recommandation
2 Le Comité
recommande que les orientations de la politique du patrimoine culturel marquent
distinctement les caractères et les exigences de l'ensemble patrimonial urbain
que constitue le Vieux-Québec. 1.3 Le Vieux-Québec, patrimoine habité Le fondement du caractère urbain du Vieux-Québec
tient dans le fait qu'il est habité. Un ensemble de bâtiments ou de monuments
ne crée pas la ville. Celle-ci commence d'exister par un peuplement. Elle vit toujours par la population qui en
assure la durée. Les propriétaires et les occupants, au premier chef les résidants,
font que le Vieux-Québec constitue un quartier urbain. La préservation et la
mise en valeur du patrimoine bâti est d'abord liée à la préservation et au développement
de la population Or, le souci et l'action de sauvegarde demeurent trop souvent
centrés sur le sort du cadre bâti.
Ils doivent se porter tout autant sur les habitants du lieu et sur la qualité de vie qui les y
attire et les y retient. Non seulement les gens sont les premiers alliés de la
préservation des lieux qu'ils habitent, mais ils créent l'occupation et
l'animation naturelles qui mettent ces lieux en valeur dans un cadre urbain
authentique. Le Vieux-Québec exige une action de sauvegarde qui
s'inscrive dans une véritable problématique et dynamique d'aménagement
urbain, embrassant les facteurs qui en font un ensemble urbain et qui font de
cet ensemble un quartier de la ville à laquelle il appartient organiquement.
Parmi ces facteurs, figurent essentiellement la population et l'habitat. Des
principes en découlent, tels qu'ils ont été progressivement dégagés par les
chartes internationales à mesure que s'est développé le souci de la
protection du patrimoine culturel,
puis des sites historiques bâtis et urbains en particulier. Dès l'adoption de la Convention concernant la
protection du patrimoine mondial culturel et naturel en 1972, la Conférence générale
de l'UNESCO l'a reconnu: "Les
populations locales devraient être associées directement aux mesures de
protection et de conservation à prendre et il devrait être fait appel à
elles, en vue d'obtenir des suggestions et une aide, notamment en ce qui concerne
le respect et et la surveillance du patrimoine culturel et naturel." A la session qu'elle a tenue quatre ans plus tard, la
Conférence générale s'est faite plus explicite: "L'action
de sauvegarde devrait associer la contribution de l'autorité publique à celle
des propriétaires particuliers ou collectifs et des habitants et usagers isolés
ou groupés, dont les initiatives devraient être encouragées. Une coopération
constante devrait donc être établie à tous les niveaux entre les collectivités
et les particuliers notamment par les méthodes suivantes: informations adaptées
aux types de personnes concernées; enquêtes adaptées aux personnes interrogées;
création de groupements consultatifs et comprenant des représentants des
propriétaires, des habitants et des usagers auprès des organismes de décision,
de planification, de gestion et d'animation des opérations liées aux plans de
sauvegarde ou création d'organismes d'économie mixte participant à la mise en
oeuvre." Ces mêmes
principes ou orientations ont été réaffirmés en les appliquant aux sites
urbains historiques dans la Charte internationale pour la sauvegarde des villes
et des quartiers historiques adoptée par l'ICOMOS en 1987: "La
participation et l'implication des habitants de toute ville sont indispensables
au succès de la sauvegarde. Elles doivent être recherchées en toutes
circonstances et favorisées par la nécessaire prise de conscience de toutes
les générations. Il ne faut jamais oublier que la sauvegarde des villes et des
quartiers historiques concerne en premier leurs habitants." "Le
plan de sauvegarde devrait bénéficier de l'adhésion des habitants." "L'amélioration
de l'habitat doit constituer un des objectifs fondamentaux de la
sauvegarde." Dans la communication qu'il a présentée à
l'ouverture du 2e Colloque international des villes du patrimoine mondial à Fez
en 1993, monsieur Serge Viau, alors
directeur du Service de planification de la Ville de Québec, en appelait à un
"nouveau" partenariat parce que, disait-il, "on
doit reconnaître aux citoyens eux-mêmes, aux propriétaires d'immeubles, aux
commerçants un rôle primordial de partenaires. Il ne faut pas oublier que dans
la plupart des cas ils fournissent les plus importantes contributions, par leurs
investissements, par leurs taxes, par leur travail, par
la vie qu'ils soutiennent dans leur milieu, par la permanence qu'ils génèrent. Cela est précieux et trop peu
souvent reconnu. (...)Notre planification et les autres partenaires doivent nécessairement
tenir compte de ce fait. Tout travail de revitalisation devra inévitablement
compter sur l'implication de ces citoyens et de ces citoyennes." Les orientations de la politique du patrimoine
culturel ne peuvent manquer d'inclure, en matière de patrimoine urbain, la nécessité
de sensibiliser les citoyens à la valeur du patrimoine et aux exigences de sa
conservation. Il faut dire plus: il est aussi nécessaire d'associer les
citoyens à l'action de conservation, dans sa conception non moins que dans sa
mise en oeuvre, en misant sur les ressources qu'ils offrent comme constituant du
patrimoine vivant et habité. Recommandation
3 Le Comité
recommande que les orientations de la politique du patrimoine culturel établissent,
relativement au patrimoine urbain, la nécessité d'associer la population qui
habite les lieux à la conception de leur préservation, au discernement de ce
qu'il y a lieu d'y édifier aujourd'hui, à l'action même de sauvegarde et d'animation. 2.
L'organisation La charge et le soin du patrimoine urbain souffrent
de l'éparpillement des forces, des compétences et des pouvoirs. Les habitants,
les usagers, les fervents du Vieux-Québec sont laissés à eux-mêmes, sans
interlocuteurs autorisés et qualifiés au sein de l'administration
gouvernementale aussi bien que municipale. Des programmes subsistent, maintenus
sur leur erre d'aller par des gestionnaires. Les responsabilités propres et les
compétences expertes se sont perdues dans les réorganisations de structures et
dans les réductions d'effectifs. A Place-Royale, par exemple, plus de vingt immeubles
de propriété publique demeurent confiés à la Société de développement des
entreprises culturelles, ex-SOGIC dotée artificiellement d'un bras immobilier,
sans que la conservation entre dans son mandat ni qu'elle puisse se munir de
l'expertise appropriée, alors que le ministère de la Culture et des
Communications s'en remet pratiquement à elle, réduit lui-même au fil des années
à se départir d'instances et de personnel investis des responsabilités et des
compétences nécessaires. Une politique du patrimoine doit prévoir
l'instauration, au sein ou auprès du gouvernement, d'un lieu de pouvoir et
de référence vigoureux et rigoureux par son autorité, par son
expertise, par ses moyens. Il s'avère impérieux que les projets majeurs et
structurants, aussi bien les projets plus fins et vivifiants qui s'imposent, reçoivent
l'encadrement et le soutien appropriés, en s'assurant de la participation des
collectifs et des citoyens touchés. Il importe de veiller à ce que la
conception et la réalisation des projets répondent à l'état des
connaissances quant aux approches, aux méthodes et aux techniques de
conservation du patrimoine bâti et des ensembles historiques urbains. La
Commission des biens culturels pourrait être renforcée, dotée d'un mandat révisé,
de manière à constituer un lieu fort et averti en matière de patrimoine bâti
et urbain, quant aux principes, aux règles et aux programmes de conservation,
de classement, d'intervention. Par ailleurs, les administrations fédérale,
provinciale et municipale ont concouru à l'admission de Québec parmi les
villes du Patrimoine mondial selon la Liste de l'UNESCO. Elles ont consenti
ensemble aux engagements conséquents. Un comité tripartite de concertation a
vu le jour. Rien n'indique qu'il ait survécu. De nouveaux agrégats de
responsabilités ont emporté les interlocuteurs désignés et ont fait se
dissoudre le souci du seul site urbain du Patrimoine mondial que compte le
Canada, ses sites naturels nombreux sur la même Liste de l'UNESCO déterminant
de manière prévalant l'action fédérale de conservation. La désignation
nette d'une instance responsable au sein du gouvernement du Québec entraînera
la réactivation et le maintien de
la concertation nécessaire. Recommandation
4 Le Comité recommande que les orientations de la politique du patrimoine
culturel comportent l'instauration d'un lieu de pouvoir et de référence assuré,
en mesure de fournir
l'encadrement et le soutien appropriés relativement au patrimoine
urbain, notamment de maintenir la concertation entre les trois paliers fédéral,
provincial et municipal quant aux engagements découlant de l'inscription de Québec
sur la Liste du Patrimoine mondial. 3.
L'intervention L'intervention du gouvernement du Québec à l'égard
de l'arrondissement historique du Vieux-Québec suscite des observations sur
trois points en particulier, au regard de l'élaboration d'une politique du
patrimoine culturel. Ces observations prolongent les précédentes. 3.1 L'Entente du gouvernement du Québec et de la
Ville de Québec L'Entente du gouvernement du Québec et de la Ville
de Québec conclue initialement en 1979, reconduite tous les cinq ans depuis,
appelle considération. Quand, en 1963, le gouvernement a désigné le Vieux-Québec
"arrondissement historique", la Ville a estimé que la responsabilité
du Vieux-Québec à ce titre incombait désormais au gouvernement. Il a bientôt
paru que celui-ci ne disposait des ressources ni humaines ni financières dans
la mesure que requérait cette
prise en charge. De surcroît, le gouvernement ne pouvait que demeurer trop éloigné
de la réalité des lieux pour assumer non seulement leur conservation, mais également
leur animation et leur développement en tant qu'un ensemble et un quartier
urbains. A la faveur du mouvement de décentralisation de l'administration alors
observable, le gouvernement et la Ville ont convenu en 1979 que la Ville
recevait la responsabilité de l'arrondissement historique, moyennant des crédits
versés par le gouvernement pour qu'ils se joignent à ceux que la Ville elle-même
engageait. C'est à ce moment que l'administration municipale a créé, au sein
de son Service de l'urbanisme, une division multidisciplinaire à laquelle elle
a confié la mission d'élaborer et de mettre en oeuvre le plan de sauvegarde du
Vieux-Québec. L'évolution du dispositif, dans son encadrement et
dans son fonctionnement, en a cependant émoussé la portée au regard de la
prise en charge du Vieux-Québec. D'une part, la dévolution de cette prise en
charge vers la Ville a accrédité le désengagement du gouvernement: délestage
de son autorité et de ses ressources humaines compétente; transfert à la
SOGIC, devenue la SODEC, des immeubles de propriété publique à Place Royale;
transfert du mandat de l'animation et de l'interprétation de Place Royale au
Musée de la Civilisation. D'autre part, la Ville a démembré sa Division du
Vieux-Québec dont le personnel expert et spécialisé s'est perdu et dont le
mandat s'est dissous dans celui du nouveau Centre de développement économique
et urbain; la charge du Vieux-Québec s'est fondue dans celle de tous les
domaines du patrimoine culturel sur
l'ensemble du territoire; le champ de l'entente entre le gouvernement et la
Ville s'est étendu de la même manière. L'Entente prévaut toujours, sous son nom actuel
d'Entente entre le ministère de la Culture et des Communications et la Ville de
Québec pour la mise en valeur du patrimoine. Certes, elle constitue un
instrument de première importance depuis son origine. Elle se maintient
cependant sur son erre d'aller, sans profonde remise en cause, sinon que des
modifications de caractère administratif ont en fait touché les orientations
de la sauvegarde patrimoniale du Vieux-Québec en les diluant. La reconduction
quinquennale obéit à des ajustements dont conviennent les gestionnaires désignés par les deux parties, qui ne bénéficient
ni de la direction d'une politique du patrimoine culturel ni de l'appui de
ressources expertes. Recommandation
5 Le Comité
recommande que la politique du patrimoine culturel définisse le cadre des
responsabilités propres du gouvernement du Québec et de la Ville de Québec à
l'endroit de l'arrondissement historique du Vieux-Québec déclaré site
national. 3.2 L' aide à la restauration des bâtiments anciens
du Vieux-Québec L'aide à la restauration des bâtiments anciens du
Vieux-Québec peut être améliorée. Elle fait l'objet d'un programme qui
s'inscrit dans l'Entente dont il vient d'être question; ce programme a été
soumis à une évaluation en 1996. La nécessité et l'efficacité de l'aide
qu'il procure sont avérées. Ses modalités suscitent deux réserves. D'une
part, un "nombre non négligeable de propriétaires croient que les règles
d'application ne sont pas les mêmes pour tous et que les entrepreneurs
profitent du programme pour majorer leurs prix". D'autre part, les propriétaires
demandent que l'aide accordée couvre non seulement la restauration, mais aussi
l'entretien. En réaffirmant le bien-fondé de l'aide
indispensable du gouvernement à la conservation des bâtiments anciens du
patrimoine urbain du Vieux-Québec, la
politique du patrimoine peut dessiner mieux le cadre de cette aide. Notamment,
une autre voie que celle des subventions est à préconiser: c'est la voie des dégrèvements
fiscaux, dont l'expérience dans nombre d'États a été relevée favorablement
par des observateurs experts: "Les
réductions ou exonérations fiscales constituent un (...) mode d'intervention
à charge des finances publiques dont l'effet multiplicateur peut être très
intéressant. Les subventions publiques permettent d'établir des priorités et
de bien cibler les interventions moyennant, en général, de longs délais et
des pesanteurs administratives. Les exonérations fiscales, par contre,
mobilisent les moyens financiers avec plus de souplesse et de rapidité
et incitent directement les propriétaires à agir, mais de manière beaucoup
plus diffuse; elles sont ainsi particulièrement appropriées pour assurer
l'entretien régulier des édifices." Souplesse et rapidité dans la mobilisation des
moyens financiers: à ces avantages s'adjoignent ceux de l'égalité de
traitement des propriétaires et de la possibilité d'inclure l'entretien des
immeubles dans les fins de l'aide accordée, réponse à deux points faibles du
programme actuel de subventions ressortis de l'évaluation qui en a été faite. Recommandation
6 Le Comité recommande que la politique du patrimoine culturel préconise l'instauration de dégrèvements fiscaux en
remplacement des subventions gouvernementales au titre du Programme d'aide à la
restauration des bâtiments traditionnels du Vieux-Québec. 3.3 L'action de sensibilisation et d'éducation L'action de sensibilisation et d'éducation contribue
fortement à la conservation et à la mise en valeur du patrimoine bâti, en
milieu urbain d'autant plus largement. Cette action est à double portée: au
sein de la collectivité locale, elle suscite l'intérêt, la fierté,
l'attachement et la prise en charge, en premier lieu chez les propriétaires,
les résidants, les usagers; auprès des visiteurs et des touristes, elle montre
l'attrait des lieux par leur enracinement dans l'histoire, par leur authenticité,
par leur force d'évocation et de symbolisation. Du point de vue de la sauvegarde même du bâti
ancien, l'information et la connaissance sont capitales pour la motivation et
pour la mobilisation des gardiens des lieux, propriétaires et résidants.
Quoique bien des études et des recherches demeurent à faire, publications et
documents abondent. Il manque cependant des intermédiaires entre ces sources et
les gens susceptibles d'y prendre intérêt du fait des lieux mêmes qu'ils possèdent,
qu'ils habitent, qui leur sont familiers au point qu'ils ne les voient plus. Des
propriétaires ignorent le caractère patrimonial de leur immeuble ou de leurs
immeubles, soit qu'ils n'en savent trop rien, soit qu'ils ne s'en soucient guère.
D'autres se sentent démunis ou débordés par la complexité ou l'ampleur des
travaux de restauration ou de rénovation qu'ils souhaiteraient
entreprendre éventuellement ou qu'ils estiment nécessaires et
pressants. D'autres encore, après avoir mené des travaux, ne songent pas à
l'entretien que va requérir par la suite leur propriété ou bien, au
contraire, envisagent non seulement le maintien mais de nouvelles mesures de
mise en valeur. Tous demeurent les alliés indispensables de la conservation.
Comment les atteindre et les aider? Le programme "Le patrimoine à domicile"
créé en 1997 par le Musée de la Civilisation inspire. Il propose aux
citoyens des activités et des outils qui leur permettent d'identifier leurs
biens personnels de valeur patrimoniale, de les documenter, de mieux les connaître
et de les protéger adéquatement afin de les transmettre leurs descendants
comme à leurs héritiers. Au cours de rencontres personnalisées avec des
professionnels, de travaux de documentation avec leur assistance, d' ateliers
d'information et d'expertise, des personnes compétentes offrent aux citoyens de
les guider dans l'appréciation et la conservation de leurs biens. Voilà certes
une voie à emprunter semblablement auprès des propriétaires des immeubles de
bâti ancien en milieu urbain. Un modèle susceptible d'inspirer aussi est celui de
l'accueil et de l'accompagnement des visiteurs dans les sites naturels et
historiques qui relèvent de Parcs Canada. Des guides formés interprètent les
lieux dans des activités de promenades comme entées, de conférences,
d'ateliers, en mettant à
profit exhibits, films et
documentation. Ce qui frappe, c'est l'enthousiasme communicatif de jeunes étudiants
ou diplômés, auprès d'experts chevronnés, qui puisent dans leurs compétences
de professionnels de diverses disciplines pour susciter un lien vivant entre le
lieu et le visiteur. Les sites patrimoniaux urbains ne pourraient-ils bénéficier
de services analogues d'initiation et d'éveil, autant que d'enrichissement et
de d'approfondissement, à l'intention des habitants des lieux, sinon à
l'intention des touristes pris en charge par leurs guides attitrés. Encore que
des exemples montrent à l'oeuvre auprès des touristes un modèle approchant:
soit les jeunes qui se déplacent en mobylettes vers les points les plus fréquentés
du Vieux-Québec, en saison, pour se tenir disposés à fournir tout
renseignement, à répondre aux questions, à orienter et à guider, à susciter
l'intérêt, bien que ce modèle réponde à l'information mais peu à l'interprétation;
soit les étudiants en histoire, circulant en costumes de doctes ou de lettrés
d'époque, au milieu des Fêtes de la Nouvelle-France, pour saisir au vol des
interrogations, relancer des commentaires, s'entretenir avec les gens,
s'adresser à des petits groupes, afin de piquer la curiosité, d'éclairer, de
guider. De
telles activités ainsi observables illustrent la possibilité et l'avantage
d'allier ces deux actions: encourager des jeunes à s'engager dans les
disciplines qui ont trait au bâti ancien,
miser sur leurs compétences et sur leur enthousiasme en les associant à
des interventions de sensibilisation et d'éducation en faveur de la
conservation du patrimoine urbain. Recommandation
7 Le Comité recommande que la politique du patrimoine culturel, en
accentuant la nécessité de la sensibilisation et de l'éducation des citoyens
à l'égard de la sauvegarde et de valorisation
du patrimoine urbain, mette deux points en lumière: qu'une action particulière
s'adresse aux propriétaires et aux occupants des immeubles du bâti patrimonial
urbain afin qu'ils découvrent et connaissent mieux la valeur des lieux qui leur
appartiennent et qu'ils habitent; que des jeunes étudiants et diplômés dans les
disciplines qui touchent au bâti ancien et au développement urbain soient
associés à cette action, de manière à encourager leur engagement dans ces
disciplines et à procurer à la sauvegarde du patrimoine urbain l'apport de
leurs connaissances et de leur enthousiasme.
* *
*
Héritage national et site du patrimoine mondial, le
Vieux-Québec se détache comme l'un des hauts-lieux par lesquels les sociétés
et l'humanité s'édifient: des lieux de mémoire qui ancrent le passé,
mais qui, non clos sur eux-mêmes, profilent des repères vers
l'horizon; des lieux d'exemplarité dont les singularités perdurent pour
investir l'avenir de l'indéfinie possibilité de créer. Le Vieux-Québec réclame d'une politique du
patrimoine culturel qu'elle reconnaisse la place qu'il occupe et qu'elle marque
les orientations et les principes d'intervention propres à sa sauvegarde et à
sa mise en valeur. |